Le grand soi représente un soi tourné vers les autres. [DR]

La notion bouddhique de « grand Soi » (jap.: taiga) donne une clé pour créer le changement de conscience nécessaire pour rétablir l'harmonie de la vie sur notre planète.

Parfois discuté dans des termes assez abstraits, qui peuvent faire perdre de vue sa valeur pratique, le grand Soi peut être décrit simplement comme une conscience de soi élargie, qui permet de s’identifier aux autres avec empathie et fait naître le puissant désir de soulager leur souffrance et leur apporter la joie. C’est la source d’une personnalité expansive et ouverte, dotée d’une compassion inépuisable s’étendant non seulement aux gens, mais également à toutes les formes de vie, ainsi qu’à l'environnement naturel.

Philosophiquement, un tel sens du soi est fondé par le respect profond de la dignité inhérente de toutes vies – y compris la sienne propre – et la sagesse permettant de percevoir l'étroite interdépendance entre tous les êtres. C’est cette conscience qu’exprime le Bouddha dans le Sûtra du Lotus lorsqu’il déclare :

Dès l'origine j'ai fait vœu de rendre tous les êtres parfaitement égaux à moi, sans la moindre différence entre eux et moi.
SdL-II

Un état de vie aussi vaste est en contraste avec ce qu’on peut appeler le soi inférieur, ou petit ego (jap.: shoga), limité par ses préoccupations et désirs égoïstes et immédiats.

La pratique pour réaliser le grand Soi

Comment manifester ce grand Soi ? On pourrait dire que la pratique bouddhique consiste précisément dans l'aspiration et les efforts visant à réaliser le grand Soi. Ce processus peut être décrit comme une lutte intérieure, ou effort sur soi, que le deuxième président fondateur du mouvement Soka, Josei Toda, nomma « révolution humaine » : la transformation profonde de son état de vie.

Il est important de noter que ce processus ne peut pas se produire de façon passive, et n’est pas non plus un simple changement de point de vue intellectuel ; il se joue au quotidien, dans nos choix, comportement et actions concrètes. Plus précisément, le grand Soi s’exprime avant tout à travers un sens élargi de nos responsabilités et le désir de contribuer au bien-être des autres et de la planète. Ce sentiment de responsabilité et d'engagement nous conduit en retour à polir nos qualités humaines et à accroître notre capacité à aider les autres.

Pour les pratiquants du bouddhisme de Nichiren, cette énergie positive et dynamique, cette empathie et ce fort désir d'oeuvrer au bien des autres et de la société puisent leur source dans la récitation de Nam-myoho-renge-kyo et, plus largement, dans l'application des trois piliers du bouddhisme que sont la foi, la pratique (pour soi et pour les autres) et l'étude. Ces trois éléments forment le « moteur » du processus de révolution humaine, qui permet de vivre concrètement le grand Soi.

Canaliser et transformer le petit ego

En définitive, les maux qui affligent la société contemporaine – tels que la dégradation de l'environnement naturel, l'aliénation sociale, les conflits, etc. – sont les symptômes de notre échec collectif à transcender le petit ego. Le consumérisme effréné nourrit un cercle sans fin de désirs insatiables ; l’esprit de discrimination exacerbe la perception de nos différences, obscurcit notre humanité commune et justifie l'oppression et le recours à la violence ; l’indifférence aux autres et aux autres formes de vie conduit à la folie de la destruction de l’écosystème. Tous ces maux sont l’œuvre du petit ego.

Cependant, les divers désirs et pulsions égotiques qui nous habitent ne peuvent pas être simplement niées ou réprimées. Nous devons apprendre à les transformer et à les réorienter, afin de passer d'une culture obsédée par l’accumulation de biens matériels à une culture fondée sur des valeurs authentiquement humaines. Cela revient à un changement d'orientation, de la valeur « avoir » à la valeur « être »…

Le Bouddha en tant que modèle de comportement humain

De manière générale, tout processus de changement commence par l’aspiration à un idéal, c-à-d, l’intention consciente de se diriger vers une direction positive. Notre développement humain requiert par conséquent un modèle, ou un idéal, à atteindre. Dans ce sens, le Bouddha est une figure qui personnifie les aspects les plus positifs – la bonté, la sagesse, le courage – inhérents au cœur humain. C’est pourquoi Nichiren Daishonin écrit :

Le but de l’apparition en ce monde du bouddha Shakyamuni, seigneur des enseignements, réside dans son comportement en tant qu’être humain.
Les trois sortes de trésors (Ecrits, 859)

Dans un autre de ses écrits, Nichiren affirme que le « véritable bouddha » n’est nul autre que le « simple mortel ». Ainsi, la bouddhéité n’est pas quelque chose d’éloigné, mais se manifeste dans les actions d’une personne ordinaire qui s’efforce de progresser au quotidien vers cet idéal.

Un défi et un dépassement de soi perpétuel

La principale caractéristique d'un bouddha est sa préoccupation sincère et ses efforts ardents dirigés vers le bonheur des autres. Ancré dans la réalité de l'époque et de la société, il recherche constamment des moyens pour atténuer la souffrance des autres et accroître leur bonheur – à travers leur propre développement et autonomie – et exerce ses efforts dans ce sens, libre de toute condescendance ou volonté de contrôle. Ou encore, comme l’exprime le Sûtra du Lotus, dans un passage récité matin et soir par les pratiquants du bouddhisme de Nichiren :

À tout moment je m'interroge : « Comment puis-je permettre aux êtres vivants d'accéder à la voie inégalée et d'acquérir rapidement le corps d'un bouddha ? »
SdL-XVI, 221.

En défiant notre égocentrisme à travers des actions altruistes, nous pouvons diriger progressivement le petit ego vers l'idéal du grand Soi. Notre vie s’élargit, ainsi que notre bonheur, précisément dans la mesure où nous nous préoccupons et agissons pour les autres. Une telle expansion fait à son tour apparaître la sagesse qui nous permet de développer toujours plus notre force d’action altruiste, dans un cercle vertueux pour nous-mêmes et les autres.

Le grand Soi est, en fin de compte, une dynamique de vie, plutôt qu’un état figé à atteindre un jour, ailleurs. Il offre une vision d'espoir et l'assurance que nous pouvons commencer – ici, maintenant et tels que nous sommes – à transformer le monde.


Adapté de l’article The Greater Self, SGI Quarterly, avril 2006.


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