Par Daisaku Ikeda, le 13 juillet 2006. Tiré d'une série de douze essais publié dans le Japan Times, quotidien anglophone japonais, entre mai 2006 et avril 2007. Traduit de l'anglais : Equal Rights for Women: Moving toward a Creative Partnership


Valoriser la sagesse et les capacités des femmes est essentiel au développement de toute organisation ou société. Les organisations au sein desquelles les femmes jouent un rôle actif sont ouvertes et enrichies par un large éventail d'approches et de points de vue différents.

(…) Les femmes semblent tout particulièrement disposées à adopter une approche patiente et souple dans la résolution de problèmes complexes. Le Dr Hazel Henderson, économiste et activiste, a précisément utilisé ce type d'approche pour faire face aux problèmes de protection de l'environnement.

Le combat d’une « femme ordinaire » pour les générations futures

Le Dr Henderson était, selon ses propres termes « une femme au foyer ordinaire » lorsqu'un incident, insignifiant en apparence, changea sa vie. C'était dans les années 60, alors qu'elle vivait à New York. Un jour, sa fille rentra à la maison avec des traces de suie sur sa peau qui, même en frottant, ne partait pas. L'air alentour, réalisa-t-elle, était terriblement pollué.

Poussée par le simple désir que son enfant puisse respirer un air propre, elle commença à parler à d'autres femmes du voisinage. Elle entamait souvent la discussion par cette simple question : « Ne pensez-vous pas que l'air d'ici est mauvais ? » Ses efforts pour dialoguer ainsi avec chaque personne lui permirent de créer la confiance, des liens d'amitié, et finalement, un réseau de solidarité grandissant.

Profitant du temps libre durant lequel sa fille faisait la sieste, elle commença à écrire des lettres au maire de la ville et à d'autres représentants officiels. Peu après, elle reçut une réponse du maire qui suggérait que ce qu'elle pensait être de la pollution n'était probablement que de la « brume maritime ».

Loin d'être découragée, elle continua ses recherches jusqu'à ce qu'elle découvre qu'en fait, la mairie réalisait des mesures quotidiennes du taux de particules de suie dans l'air. Elle fit alors pression sur les chaînes de télévision et d'autres medias pour qu'ils intègrent un indice de pollution de l'air dans leurs bulletins météo.

Le Dr Henderson étudia les modèles de croissance économique utilisés pour justifier la destruction de l'environnement. Elle s'efforça de les remettre en cause et de les changer. Mais les politiciens et les experts refusaient de la prendre au sérieux.

Faire entendre sa voix face aux critiques

Parce qu'elle exerçait un lobbying constant sur les grandes compagnies et le gouvernement, elle fut taxée d'être « l'une des femmes les plus dangereuses d'Amérique ». Des lettres de critiques furent envoyées à l'employeur de son mari. Et elle fut l'objet d'humiliations et de railleries : qu'est-ce qu'une femme au foyer qui n'a pas fait d'études pouvait bien comprendre à l'économie ?

Piquée au vif par de telles attaques, elle redoubla d'efforts dans ses études des théories économiques et écologiques, jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de débattre avec les universitaires les plus renommés, et dire ce qu'elle avait à dire. Son courage et sa conviction permirent à d'autres femmes, à leur tour, de trouver leur voix.

L'association « Citizens for Clean Air », qu'elle fonda avec ses voisins, fut l'un des groupes pionniers du mouvement écologique. Une législation importante relative à l'écologie vit le jour. La mentalité des gens, ainsi que la politique environnementale des grandes compagnies et du gouvernement, changèrent pour toujours.

Le Dr Henderson se concentre sur les réalités concrètes que sont la santé des gens, leur sécurité et leur bonheur, plutôt que sur des abstractions creuses. C'est pourquoi elle n'a jamais dévié, ou été écartée, de son but. Avec persistance, tel le flot constant d'une rivière, elle mena son combat jusqu'au bout. Comme elle le rappelle : « Parce que nous savions qu'élever nos enfants était tâche immense, nous voulions leur offrir le meilleur avenir possible. »

Une transformation progressive plutôt que brutale

Par son approche « grandeur nature » des questions environnementales – une approche ancrée dans les réalités de la vie quotidienne et provenant du désir fondamental de protéger et de nourrir la vie – le message du Dr Henderson a trouvé un fort écho auprès des personnes qui se soucient de l'avenir. Ce genre de transformation progressive, dans le fil continu et régulier de la vie quotidienne, offre un net contraste avec le bouleversement violent des révolutions, par lesquelles les hommes ont si souvent recherché le changement.

Tout au long de l'Histoire, les hommes ont prêté trop peu d'attention au point de vue et aux efforts des femmes. Et, au regard de notre monde en conflit constant, de notre société dans laquelle la vie est, au mieux, un défi, il est évident que nous payons le prix de cette arrogance. Comme le Dr Henderson le dit avec humour : « Aujourd'hui, les femmes nettoient les problèmes que les hommes ont créé, exactement comme elles nettoient la vaisselle ! »

La sagesse et le pouvoir des femmes – leur implication attentive dans la réalité quotidienne, leur souci pour les gens qui les entourent, leur capacité à chérir la vie elle-même – devraient être pleinement relayées à travers la société. Alors seulement pourrons-nous être témoins d'un réel progrès dans la résolution des problèmes critiques de notre planète, et dans la réalisation de la paix. A cette fin, une révolution dans la conscience des hommes est essentielle.

La vision d'un partenariat entre hommes et femmes

Dans le même temps, je me rappelle ces mots d'Eleanor Roosevelt, qui joua un rôle clé dans l'élaboration de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Dans les moments sombres des années 30, elle écrivait avec force : « Si dix millions de femmes aspirent vraiment à la sécurité, à une représentation politique fidèle à la réalité, à l'honnêteté, à une législation sage et juste, à des conditions de vie plus heureuses et plus confortables, et à un avenir où les horreurs de la guerre auront disparu de l'horizon, alors ces dix millions de femmes doivent s'améliorer elles-mêmes. »

Le Dr Henderson me confia son espoir de voir le XIXe siècle devenir celui d'un partenariat entre hommes et femmes. J'adhère totalement à cette vision. Les femmes et les hommes devraient travailler ensemble, dans une relation de respect mutuel, afin d'ouvrir une nouvelle voie aux générations futures. Ensemble, nous pouvons créer une ère dans laquelle toutes les personnes seront valorisées pour leur humanité, en tant que manifestations uniques et irremplaçables de la vie, une ère où nous pourrons nous réjouir et bénéficier de la diversité humaine dans toute sa richesse.


A lire...

“Pour une citoyenneté planétaire”, de Hazel Henderson et Daisaku Ikeda, aux Editions L'Harmattan, 2005.
› Disponible sur l'e-boutique Acep

 
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