Thème pour les réunions du mois d'avril 2012. Pour les réunions de discussion du mois d’avril, nous vous proposons de dialoguer autour de la phrase ci-dessous, extraite des écrits de Nichiren Daishonin, des commentaires de Daisaku Ikeda et de la table ronde qui suivent.

Enseigner aux autres, c’est comme huiler les roues d’un lourd chariot pour leur permettre de tourner, ou mettre un bateau à flot pour qu’il puisse avancer sans difficulté.
Nichiren Daishonin, Le riche Suddatta, L&T-V, 339.

Commentaires de Daisaku Ikeda

Les souffrances et les soucis de la vie sont divers et variés. Par conséquent, il est crucial d’insuffler des encouragements chaleureux qui touchent le coeur de chacun. Faire nôtre leur problème, prier ensemble et aller de l’avant en oeuvrant côte à côte pour kosen rufu1 — cet esprit d’empathie et d’attention est fondamentalement celui du mouvement Soka.

Ayez une écoute authentique ! En priant sincèrement pour le bonheur d’une autre personne, vous saurez trouver des mots sincères empreints de sagesse. Il convient aussi de faire jaillir le courage de continuer à aller soi-même de l’avant et à inspirer ceux que vous soutenez à faire de même.2

Table ronde

Les intervenants : Makiko, Toshihide, Claire et Laurent : respectivement responsables des jeunes filles, des jeunes hommes, secrétaire générale des femmes, et responsable des hommes du mouvement Soka en France.


Laurent. Cet extrait de gosho vient d’une lettre que Nichiren Daishonin avait envoyée à Nanjo Tokimitsu. Juste avant ce passage, Nichiren écrit : « Il y a une manière facile de devenir bouddha, etje vais vous l’enseigner. » On peut dire qu’il aborde la véritable manière d’enseigner aux autres : faire en sorte qu’ils puissent aller de l’avant par eux-mêmes.

Toshihide. Nichiren prend l’exemple d’un chariot. Il parle d’huiler les roues et non d’alléger le chargement, de le pousser ou le tirer. Il a voulu dire que la personne doit utiliser sa propre force pour avancer, car chaque personne possède des capacités illimitées.
Quand le bateau est sur la rive, il ne peut plus bouger. C’est la même chose quand nous sommes emprisonnés dans une grande souffrance. Nous avons l’impression qu’elle est tellement grande que nous ne pouvons plus bouger.
Mais, comme il est écrit dans le gosho, si nous mettons le bateau à flot, il peut avancer plus facilement. Chaque personne possède une force intérieure qui lui permet de ne plus être dominée par ses souffrances, de les résoudre.
Par ailleurs, un grand bateau peut embarquer beaucoup de personnes. Donc, ce voyage qui nous libère de la souffrance se fait avec les autres, joyeusement.

Makiko. Partager les souffrances et les soucis des autres, c’est l’esprit du mouvement Soka. Enseigner aux autres, c’est partager la souffrance avec bienveillance. En effet, on ne peut pas enseigner ou faire connaître la Loi bouddhique sans partager les soucis de l’autre et essayer de les comprendre.

Toshihide. Avec quelle attitude décide-t-on de répondre à des situations qui font profondément souffrir l’autre ? En tant que bouddhiste, je considère que sa souffrance est aussi la mienne. J’ai envie de l’aider, parce que c’est ma conviction que la paix commence avec la personne qui est devant moi.

Claire. Le bouddhisme enseigne les quatre souffran- ces inhérentes à la vie: la vieillesse, la maladie, la mort, et la naissance qui est la cause des trois autres. Quelle que soit notre condition sociale ou autre, nous sommes tous confrontés à ces difficultés de la vie et, en ce sens, nous pouvons les partager avec les autres sur un pied d’égalité. Mais cela signifie aussi que nous pouvons nous encourager mutuellement.

Makiko. Mais, pour encourager, il faut d’abord écouter. Daisaku Ikeda utilise l’image d’un verre plein, qui représente la personne qui souffre. Tant qu’il est plein, plus rien ne peut y entrer, même les mots. Il faut d’abord que cette personne s’exprime pour déverser l’eau de ses souffrances, afin de pouvoir entendre les mots d’encouragement Dans le Sûtra du Lotus, de nombreux pas sages affirment que le seul fait d’être écouté enlève la moitié de sa souffrance. On voit son cceur apaisé. C’est donc la qualité première pour ceux qui prennent la responsabilité du mouvement Soka. C’est à partir de cette écoute que se créent les liens de confiance entre les gens. C’est le premier pas de l’encouragement, pour que la personne se sente en confiance, rassurée. Savoir écouter demande de l’entraînement Ce n’est pas facile, mais cela traduit notre humanisme.

Claire. Quand on se fonde sur notre petit ego, on ne peut pas s’empêcher de penser, d’émettre un jugement La compassion est au-delà. Rien à voir avec cette faculté de l’esprit humain de mettre à distance l’objet qu’il considère, car, dans la compassion, il n’y a pas de séparation sujet-objet, mais une empathie véritable. On n’est pas séparé de l’autre, on ressent le lien entre les êtres faisant tous partie de cette entité de vie qu’est Nam-myoho-renge-kyo.
Huiler les roues d’un chariot est comparable au fait de donner des encouragements. La personne, alors inspirée, trouve en elle l’énergie d’avancer par elle-même. Et qu’est-ce qui nous permet d’exprimer les mots, les encouragements dont l’autre a besoin ? C’est la sagesse, la bienveillance, l’humanité développées par notre prière. Encourager, c’est d’abord partager. Dans certains de ses écrits, Nichiren parle de sa propre souffrance.
Vers la fin de sa vie, il dit, par exemple, qu’il devient chaque année de plus en plus faible. Il ne se pose pas en être supérieur aux autres. Il partage la condition très rude des personnes de cette époque en proie aux pires difficultés, il est prêt à donner sa vie pour elles. Son comportement est très humain.

Makiko. C’est cette humanité qui me touche. Avec l’entraînement que procure la pratique bouddhique, on attend de moins en moins que l’autre soit bienveillant. Le bouddhisme nous amène plutôt à nous demander quelle est notre propre bienveillance. On développe le souci de l’autre et la sagesse pour l’encourager. Et, au fond, on en ressent de la joie, on développe une dimension de vie très ouverte, chaleureuse. Grâce à l’autre.

Claire. Cela me fait penser à ce qu’enseigne Nichiren dans La véritable entité de la vie : ce sont les personnes ordinaires qui dotent le Bouddha de sa capacité de bouddha, comme ce sont les enfants qui dotent leurs père et mère de la capacité de parents. C’est une vision révolutionnaire de la religion.

Laurent. On n’a jamais fini de développer son humanité. Et, pour cela, on a absolument besoin des autres. Le travail de notre vie est sans fin: développer encore et encore nos qualités humaines. La pratique bouddhique n’est rien d’autre que cela.

Makiko. On n’arrive pas toujours à encourager quelqu’un. Mais, ce qui est important, c’est d’essayer tout de même. À force de chercher à encourager, à partager, à écouter, à prier... on développe nos capacités d’encourager. C’est comme une lanterne. Elle éclaire si l’on utilise l’huile. Quand on utilise « l’huile » de sa propre vie, on voit sa valeur et on se rend compte de toute la force que l’on est capable de transmettre aux autres. Un être humain peut être un lampadaire pour un autre être humain. L’échange est fructueux, ça marche dans les deux sens.

Toshihide. M. Toda disait souvent qu’on pouvait remplacer la bienveillance par le courage.

Claire. D’ailleurs, dans « encouragement », il y a « courage ». On s’efforce de créer ce que Daisaku Ikeda appelle une « société d’encouragements mutuels C’est le but de notre pratique, et l’esprit du mouvement Soka pour changer la société. Ce n’est pas toujours facile. Parfois, la souffrance des autres fait peur. Je rends régulièrement visite à une amie poète atteinte, depuis sa jeunesse, d’une maladie dégénérative. Chaque fois que nous nous voyons, nous éprouvons une joie immense. Mon souhait, cèst que ces moments de rencontre soient les plus heureux de sa vie et de la mienne. J’ai l’impression, parfois, que ce sont deux soleils qui dialoguent Même dans des conditions terribles, on peut expérimenter cette joie du partage, d’être ensemble, comme si chacun « huilait les roues du chariot » de l’autre.

Laurent. Nos réunions de discussion sont précisément les lieux où l’on peut partager nos soucis et nous encourager mutuellement Nous avons tous expérimenté, un jour, le fait de venir en réunion avec des soucis personnels, mais, grâce à cet effort, grâce au dialogue, d’avoir pu trouver de l’espoir et du courage. Et de repartir plus léger et plus confiant
En réunion, il se peut qu’une personne soit dans une grande souffrance. Mais, ce qui apparaît, au départ, comme une difficulté majeure peut être dépassé grâce à la force de la prière et aux encouragements des autres participants. Et, à la fin, on s’aperçoit que chacun ressort enrichi d’une expérience humaine.
En essayant d’aider les autres, on gagne naturellement la confiance des gens et l’on peut approfondir nos liens d’amitié. C’est le plus beau trésor, celui qui a le plus de valeur dans notre vie. L’entraînement bouddhique consiste à accumuler les trésors du coeur et à mener une vie riche et créatrice de valeurs en toutes circonstances.
Je voudrais en profiter pour remercier tous ceux qui ouvrent leur maison et accueillent avec chaleur les participants aux réunions, et tous ceux qui soutiennent ces réunions.


Notes

  • 1. Voir dictionnaire : kosen rufu.
  • 2. Extraits de « Vivre les écrits de Nichiren », paru le 14 mai 2011 dans le Seikyo Shimbun, quotidien affilié au mouvement bouddhiste Soka au Japon, consultable ici.

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Commentaires   
+2 #2 michel 02-04-2012 20:37
Merci d'avoir mis ce texte plein de profondeur en ligne. J'ajouterai qu "huiler les roues" ou "mettre a flot", ce n'est pas trop fatigant, c'est un "petit" geste que l'on peut faire de bon coeur sans se rendre dépendant d'un résultat, donc c'est un acte de liberté. Si l'on se met à pousser avec l'autre, cela revient à adopter la même attitude et c'est de l'asservissement. Prenons de la hauteur!
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0 #1 yayou 29-03-2012 23:22
Très beau.
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