Daisaku Ikeda - Communication prononcée à l’Académie des Beaux-arts de l’Institut de France, à Paris, le 14 juin 1989. Publiée dans Un nouvel humanisme, Ed. du Rocher, 1997.


C’est une grande joie pour moi que de pouvoir présenter aujourd’hui cette communication sur l’art et la spiritualité en Orient et en Occident en cet Institut de France, berceau illustre d’une tradition vieille de plus de trois cents ans. Je voudrais exprimer ma profonde gratitude à tous ceux à qui je suis redevable de ce grand honneur, et plus particulièrement au secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts M. Marcel Landowski. Je tiens à remercier également tous ceux qui, en dépit de leurs occupations multiples, me font l’honneur d’être ici. De nombreux hommes célèbres ont sans doute foulé le sol de cette salle et se sont tenus en ce lieu où je me trouve à présent. Et cela suscite en moi une émotion qu’il m’est difficile de traduire autrement que par un poème :

Il est une source généreuse
Qui, soudain, des profondeurs marines,
Jaillit d’un flot puissant
Plus vaste et plus bleue qu’un lac immense
Une eau vive qui court sous la terre
Nous berçant de sa musique enchanteresse.

S’il est donné à l’homme de sentir cette source
De la savoir réelle et pure
Intarissable depuis les temps anciens
S’il est donné à l’homme de puiser
A cette force de vie éternelle qui engendre et régénère
Alors, il aura le pouvoir de créer
Libre de toute entrave.

C’est la source qui rafraîchit notre monde intérieur,
Qui coule et rejoint le vaste océan de la vie.
Source mystique de l’univers
D’où jaillit l’Histoire !
Et si elle nous parlait une langue universelle ?
Si elle nous disait
Le rythme intérieur de l’homme ?
Qui pourra ne pas l’entendre ?
Qui pourra ne pas découvrir, dans la transparence
De cette symphonie,
L’harmonie, la mélodie
Qui monte des profondeurs de l’âme ?

Depuis les temps les plus reculés, l'art apparaît comme une manifestation naturelle, irrépressible, de la spiritualité humaine. Ce Sous ses formes multiples, spontanément il a toujours symbolisé une réalité essentielle. Toute forme d’art est, il est vrai, personnelle et limitée dans l’espace, mais l’âme de l’artiste tend à rejoindre, à retrouver cette réalité essentielle que l’on pourrait appeler la vie universelle. Il s’agit de la substance de la vie elle-même saisie dans son dynamisme, par une union profonde entre soi (c’est-à-dire le microcosme) et l’univers (c’est-à-dire le le macrocosme). C’est dans cette réalité essentielle que l’homme puise l’énergie qu’il lui faut pour renaître. C’est en elle qu’il faut trouve sa raison d’être et l’axe de sa recherche.

On considère généralement que l’homme a besoin de pain pour subsister, que c’est l’aliment indispensable sans lequel son organisme ne peut plus fonctionner. Et que l’art est pour l’esprit ce que le pain est pour le corps : une nécessité sans laquelle il ne peut plus se renouveler. C’est déjà ce que disait Aristote en parlant de la catharsis.

On peut donc se demander : pourquoi l’art joue-t-il un rôle aussi prépondérant dans le devenir de l’homme et cela depuis toujours ? La raison majeure me semble résider dans son « pouvoir de synthèse », dans la capacité de l’art à rassembler des éléments épars et à les unifier. Goethe fait dire à Faust dans un monologue : « Comme tout se meut dans l’univers ! Comme tout, l’un dans l’autre, agit et vit de la même existence ! » Si cette phrase est valable à un niveau essentiel pour tous les êtres, l’art digne de ce nom consiste à rechercher cette « réalité essentielle » qui crée le lien entre les hommes, entre les hommes et la nature, entre l’homme et l’univers. L’émotion qui naît devant une œuvre d’art, qu’il s’agisse de poésie, de peinture ou de musique, est peut-être ce sentiment tangible, incontestable, d’un élargissement de soi. C’est une sensation de plénitude, portée par un rythme mystérieux, une sorte d’envolée vers l’infini vécue comme un partage, un échange dont la source se trouve dans notre monde intérieur. Ce « pouvoir de synthèse » propre à l’art s’actualise dans l’ouverture du limité sur l’illimité, du vécu particulier sur le signifiant universel. Ce lien avec l’universel est fort ancien dans les rituels religieux, et on le retrouve également dans le théâtre antique. Entre l’art et le rituel, il n’y a peut-être pas de différence essentielle si, comme l’écrit un auteur anglais, Mme Harrisson : « À l’origine, l’impulsion qui pousse l’homme vers le temple est la même que celle qui pousse vers le théâtre. »

A cet égard, j’aimerais vous rapporter une anecdote. Il y a fort longtemps, un acteur de kabuki, très célèbre au Japon, se rendit en Europe. Au cours de son séjour, il lui fut donné d’admirer les chefs-d’œuvre de l’art occidental conservés au musée du Louvre. Lorsqu’on lui demanda ses impressions, il se contenta de répondre : « On voit le Christ partout. » Conclusion sans doute un peu hâtive mais qui traduisait naïvement sa surprise de découvrir l’influence considérable qu’exerça la tradition chrétienne sur l’art occidental. Il ne s’agit certes là que du simple témoignage d’un visiteur oriental exprimant une vision toute personnelle de l’art occidental, mais qui, à travers le particulier sut voir la réalité essentielle et l’exprimer de façon très concise. Notre-Dame de Paris, la cathédrale de Chartres ne sont-elles pas l’expression la plus pure de l’architecture gothique en Europe en même temps que l’actualisation de la vision du monde du Moyen Âge chrétien ?

Étonnant pouvoir de synthèse de l’art ! L’art est la religion et la religion est l’art. Et l’homme, dans sa quête passionnée d’une vie meilleure, en arrive toujours à cette vérité.

Qu’en est-il de l’art en Orient ? Si l’on s’interroge sur le sens esthétique dans la culture japonaises on voit qu’il est également coloré par le sentiment religieux. Paul Claudel l’avait compris et expliqué, tout comme André Malraux avec qui, au cours de nos dialogues, j’avais eu l’occasion d’en parler.

L’unité avec la nature

Le contenu de la tradition religieuse au Japon peut paraître assez flou, comparé au rigoureux monothéisme du christianisme. L’esthétique japonaise traditionnelle, bien que totalement différente des conceptions occidentales, a pourtant été définie par Paul Claudel comme « le désir de s’intégrer à la nature plutôt que de la dominer ». Et quelques décennies plus tard, Malraux l’appelait « la réalité intérieure ». C’est, me semble-t-il, une perception très claire de l’attitude religieuse lorsqu’elle relie l’homme à l’univers, l’homme à la nature. André Malraux avait perçu, avec une grande acuité, où réside la source même de la beauté. Et cette tendance vers « la réalité essentielle » a en effet très subtilement imprégné toute la culture japonaise.

Le problème qui se pose, au cœur de la modernité, est le déclin de ce « pouvoir de synthèse » qu’exprimaient depuis toujours l’art ou la religion, en Orient comme en Occident. Dès la fin du XIXe siècle, de brillants esprits, pressentant ce malaise, mirent en garde contre lui. Il n’est pas nécessaire pour moi d’y revenir. Mais lorsque l’homme rompt ses liens avec la nature et l’univers, ce sont les liens humains eux-mêmes qui se voient menacés. Et alors, même la solitude n’est plus considérée comme un mal. Je me dispenserai de donner des exemples, mais il est indéniable que le contexte même de l’art a beaucoup changé. La question qui se pose est donc : comment, dans le contexte de l’art actuel, exercer ce « pouvoir de synthèse », cette capacité de relier ? Comment la faire vivre dans le rapport entre l’artiste solitaire, face à la feuille blanche ou à la toile vierge, et l’admirateur ou le lecteur inconnu ? Même lorsque l’on trouve des artistes de talent, on bute sur l’absence d’un « champ », d’un espace physique commun. Les conditions de l’art actuel, par exemple, sont bien différentes de celles du théâtre grec (où les spectateurs participaient au spectacle, parfois plus que les acteurs eux-mêmes).

Certains sont à la recherche de la force vitale de la préhistoire et rêvent de retrouver la robustesse de l’homme préhistorique. D’autres ont la nostalgie d’une force puisée dans une terre que la modernité n’aurait pas encore polluée. C’est la lutte des hommes d’aujourd’hui. Cela peut paraître paradoxal mais je pense que, de la fin du XIXe siècle à nos jours, c’est parce qu’ils étaient la cristallisation des graves problèmes de leur époque qu’apparurent de grands esprits, illuminant la nuit, brillant comme des étoiles. Actuellement, on constate, d’un côté, la liberté et la diversité artistiques les plus grandes et de l’autre, le désir, tourné vers l’intérieur, de réparer la déchirure d’une âme qui a perdu son pays natal. Mais ces deux tendances s’affaiblissent, comme s’affaiblit aussi la force qui nous entraîne à transcender le visible.

Se relier à l’univers

J’aimerais maintenant substituer à la notion de « pouvoir de synthèse » ce que le bouddhisme en Orient désigne par le terme de ketchi en (relation causale, la fonction qui relie la vie à son environnement). J’espère mieux éclairer ainsi le thème de la communication d’aujourd’hui.

Ce concept de lien causal s’inscrit dans une théorie, celle de l’origine interdépendante. C’est une notion philosophique qui se retrouve à travers toute l’histoire du bouddhisme depuis Shakyamuni. Elle établit que tout phénomène social aussi bien que naturel, résulte du lien avec un autre phénomène et que rien ne peut se produire de manière isolée. Autrement dit, tout ce qui se produit est le fruit d’une interaction. Quand on parle d’une interaction, on l’imagine surtout sur un plan spatial. Mais la notion de lien causal, en bouddhisme, est pluridimensionnelle et vient s’y ajouter le facteur temps.

Dans la conscience esthétique des Japonais, la notion d’harmonie avec la nature est présente et c’est précisément ce qui attira des écrivains tels que Paul Claudel et André Malraux. Ce sens de la beauté est très imprégné d’une sorte d’animisme primitif. Alors que la notion d’origine interdépendante, ne l’oublions pas, prend racine dans la tradition bouddhique.

Les formes d’art traditionnelles japonaises (cérémonie du thé, arrangement floral, jardins peintures sur cloisons coulissantes ou sur paravents) n’ont pas de valeur isolément. Elles n’acquièrent leur plein sens que lorsqu’ elles sont placées dans un « champ », au centre d’un espace usuel, au cœur de la vie quotidienne. Autrement dit, c’est le rapport qu’elles établissent avec l’espace ambiant qui leur donne toute leur valeur. Et je voudrais encore ajouter que, à l’origine, des formes de poésie japonaise traditionnelles telles que les renka ou les haiku n’auraient pu exister sans ce « champ », sans un lieu où pouvaient se réunir de nombreuses personnes.

Dans le bouddhisme du Grand Véhicule (Mahayana) le terme de ku (parfois traduit par vide ou vacuité) décrit la réalité de toutes choses comme naissant de ketchi en, l’origine interdépendante de tous les phénomènes. La tendance à assimiler cette notion de ku (celle d’une vie à l’état de pure latence) à celle de néant, n’est pas encore dissipée. Le bouddhisme est partiellement responsable de cela, en particulier le bouddhisme du Hinayana (Petit Véhicule) qui, en recherchant l’illumination par la négation des valeurs mondaines, amène à une sorte de nihilisme.

Mais la notion de ku, telle que la conçoit le bouddhisme du Grand Véhicule, est totalement différente de cette notion statique et nihiliste du Petit Véhicule. Elle désigne une réalité qui change à chaque instant, le mouvement jaillissant de la vie elle-même. Si l’on cherche un parallélisme dans une tradition plus familière à l’Occident, on peut dire que la philosophie de Bergson, s’efforçant d’appréhender la vie sous l’aspect de la durée plutôt que celui de l’éternité, est en réalité plus proche de l’idéal du Grand Véhicule que ne l’est le bouddhisme du Petit Véhicule.

Je serais tenté d’appeler « vie créatrice » ce dynamisme, cette énergie vitale contenue dans l’état de ku tel que le définit le bouddhisme du Grand Véhicule. Cette « vie créatrice » se consacre tout entière à la tâche de dépasser le petit ego pour aller vers un soi universel en transcendant sans cesse les limites spatiales et temporelles. Autrement dit, cette « vie créatrice » se manifeste pleinement dans un élan, chaque jour renouvelé, pour s’accorder au rythme originel de l’univers.

Il y a déjà dix ans que notre dialogue avec M. René Huyghe, de l’Académie française, a été publié. Au cours de cet entretien, M. Huyghe définissait fort justement le cœur du bouddhisme du Grand Véhicule en l’appelant « vie spirituelle », faisant ainsi preuve d’une compréhension profonde. Il disait notamment : « Nous sommes reliés à l’action créatrice du futur vers lequel l’univers est en marche. »

Le Sûtra de notre monde

Le Sûtra du Lotus, quintessence du bouddhisme du Grand Véhicule, donne du dynamisme de la « vie créatrice » diverses explications sur lesquelles j’aimerais revenir.

Tout d’abord, le Sûtra du Lotus révèle une entité de vie totalement libre, sans limites, d’un point de vue spatial aussi bien que temporel, et affirme que cette existence tout entière est contenue en un seul instant. La première partie du Sûtra du Lotus enseigne que tous les phénomènes (shoho) se ramènent à une loi fondamentale (jisso). Lorsque nous fusionnons avec cette Loi, tous ces phénomènes sont contenus dans une de nos pensées et cette pensée imprègne tout l’univers. Dans la dernière partie du Sûtra, le bouddha Shakyamuni révèle qu’il est bouddha depuis un temps extrêmement lointain, un passé sans commencement, et explique l’éternité de la vie. Le passé et l’avenir « se condensent » en un instant présent. Ce sont cette fusion avec l’espace et cette condensation du temps qui constituent le dynamisme de la « vie créatrice », libre de toute entrave.

Dans notre vie quotidienne puiser dans l’énergie de cette « vie créatrice » nous permet d’agir sans cesse et de progresser dans la voie de notre propre accomplissement.

L’ apport remarquable du Sûtra du Lotus, par rapport aux autres sûtras, est d’oser chercher le lieu d’entraînement sur la « voie du bodhisattva » au sein même de notre société troublée actuelle et d’ affirmer qu’il est possible d’y parfaire sa propre vie en se forgeant un « soi » universel qui transcende le petit ego.

J’aimerais souligner que les descriptions du Sûtra du Lotus sont riches en images théâtrales, littéraires et pittoresques. Dans la partie centrale du Sûtra du Lotus est décrite une « Cérémonie dans les airs » au cours de laquelle apparaît dans le ciel une gigantesque Tour aux Trésors ornée de sept sortes de joyaux (d’or, d’argent, de lapis-lazuli, de perles, etc.). En fait, cette Tour aux Trésors s’élevant très haut dans l’univers symbolise la grandeur et la dignité de la vie. Et la description du monde paisible, donnée dans le chapitre « Durée de la vie » du Sûtra du Lotus, est celle d’une terre : « [...] emplie en permanence d’êtres célestes et humains. Salles et pavillons dans leurs jardins et bosquets sont ornés de diverses sortes de joyaux. Les arbres précieux Regorgent de fleurs et de fruits. Et les êtres vivants se divertissent à leur guise. Les divinités frappent les tambours célestes faisant constamment des musiques de toutes sortes. Une pluie de fleurs de Mandarava se répand sur le Bouddha et la grande assemblée. »

Peinture, musique, images poétiques rivalisent pour évoquer ce pays véritablement féerique. On a souvent constaté dans l’Histoire un antagonisme entre l’art et la religion. Mais le Sûtra du Lotus, en faisant preuve d’une grande force d’imagination, montre clairement qu’art et religion s’harmonisent et se complètent.

La métaphore de la danse

Toutes les dimensions de la vie humaine (ou, comme les définit Kierkegaard, les dimensions religieuse, éthique et esthétique) sont contenues dans le développement dynamique de cette « vie créatrice » que révèle le Sûtra du Lotus. Lorsque toutes ces dimensions se sont harmonisées avec ce que l’on pourrait appeler « le mouvement cosmique » et au terme d’actions répétées de sublimation et de sélection, quelles images finiront par apparaître ? C’est comme une toupie bariolée qui, lorsqu’elle tourne de plus en plus vite, finit par ne plus paraître que d’une seule couleur. Un passage des écrits de Nichiren qui définit parfaitement l’essence du Sûtra du Lotus me revient en mémoire :

Même si vous n’êtes pas le bodhisattva Kasho, vous devriez danser. Même si vous n’êtes pas le bodhisattva Sharihotsu, vous devriez vous lever et danser. N’est-ce pas en dansant que bodhisattva Jôgyô est sorti de la terre ?

Kasho et Sharihotsu (en sanskrit, Shariputra) étaient les meilleurs disciples du bouddha Sbakyamuni et représentaient l’intelligence.

Dans le passage que je viens de citer, le mot « danser » symbolise la joie qu’ ils ressentirent en entendant les enseignements du Sûtra du Lotus. Ce passage décrit la vie qui connaît un enrichissement et une joie totale. Dans le domaine des arts, cela se traduit par l’épanouissement de la vie.

Le bodbisattva Jôgyô (en sanskrit, Vishishtacharitra) était à la tête des nombreux bodhisattvas que Shakyamuni, lorsqu’il enseigna le Sûtra du Lotus, fit surgir du fond de la terre pour leur confier la propagation de la Loi après sa mort.

Indépendamment de leur signification bouddhique, je suis très touché par la grande beauté de ces images, pleines de vie et d’énergie, utilisées pour décrire l’apparition de ces bodhisattvas qui sortent de la terre : « danser », « se lever et se mettre à danser », « apparaître en dansant ». Cela symbolise magnifiquement ce dynamisme de la « vie créatrice » qui ne cesse de battre, comme les pulsations d’un cœur. Et je ne peux utiliser le mot « symboliser » sans penser à cette riche tradition artistique de votre pays que l’on appelle « le symbolisme ».

Quel est le sens de ces description du Sûtra du Lotus ? On les a appliquées comme la mise en scène du cycle d’une vie individuelle. L’expression « apparaître en dansant » ne doit donc pas être comprise comme la description d’un fait objectif mais plutôt comme un symbole de la « vie créatrice ».

L’image des bodhisattvas qui apparaissent en s’élançant symbolise la joie. Mais ce n’est pas une simple joie. C’est la joie suprême parmi toutes les joies. C’est celle que l’on ressent en contribuant sans cesse au bien de la société et en recherchant profondément le sens de la vie régie par la loi fondamentale de l’univers.

La pureté de ce symbole me remet en mémoire un très beau passage de Paul Valéry, où, sous forme de dialogue, dans L’Âme et la danse, dans ce style qui lui est propre, il met dans la bouche de Socrate ce saisissant raccourci :

...tandis que cette exaltation et cette vibration de la vie, tandis que cette suprématie de l’attention, et ce ravissement dans le plus agile que l’on puisse obtenir de soi-même, ont les vertus et les puissances de la flamme ; et que les hontes, les ennuis, les niaiseries, et les aliments monotones de l’existence s’y consument, faisant briller à nos yeux ce qu’il y a de divin dans une mortelle.

Évidemment, ces deux textes, celui de Paul Valéry et le Sûtra du Lotus, ne sont pas à mettre sur le même plan. Mais n’est-il pas très intéressant de remarquer que lorsqu’elle cherche à exprimer par le langage, ce que le mouvement a de plus pur et de plus élevé, notre imagination ait naturellement recours à l’image de la danse ?

Une révolution spirituelle

Nous vivons aujourd’hui une époque de difficultés et de changements sans précédents dans l’Histoire de l’humanité. En une telle époque, il est évident que nombreux sont ceux dont le regard se tourne vers le monde intérieur. À la fin de sa vie, Paul Valéry s’efforçait de créer une « Ligue spirituelle ».

Au cours du dialogue que nous avons tenu, André Malraux prévoyait déjà la révolution spirituelle que connaîtrait le siècle prochain. Et, pour revenir au sujet de la présente communication, l’apparition et le développement de la « vie créatrice », grâce au changement intérieur de l’homme, ouvriront certainement très largement la voie d’une telle révolution spirituelle.

Je suis d’ailleurs persuadé que ce surgissement et cet épanouissement de la « vie créatrice » pourront être également à l’origine de la revitalisation de toutes les activités humaines, à commencer par l'art.

Je voudrais maintenant conclure ma communication par un poème que j’ai composé en l’honneur de l’art dans lequel j’exprime tous mes espoirs :

Art
Ô, lumière éternelle,
Empreinte impérissable des civilisations !

Hymne à la vie,
A la liberté, à la création, à la joie !

Prière intense
Harmonie profonde avec la réalité fondamentale !

Forum de l’amitié
Où des milliers d’êtres se rejoignent, se saluent et se sourient.

Un homme de lettres déclara en Occident :
« À l’est il y a l’Orient, à l’ouest l’Occident
Mais quand ces deux géants se rencontreront
Frontières et nationalités disparaîtront. »
Au même moment en Orient, un grand poète écrivait :
« L’ Orient et l’Occident doivent se marier
sur l’autel de l’humanité. »

Et voici l’art
Qui invite l’âme en lui tendant la main
Vers un bois apaisant et serein
Vers un jardin où l’imagination fleurit à travers ciel
La conviant à la noble tribune de la sagesse
Et l’entraînant vers l’horizon lointain
De la civilisation universelle.


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Commentaires   
0 #1 Patrice 04-09-2020 21:52
Magnifique résumé !
Je m'en délecte.
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