Melanie Pool, à la frontière entre le Pakistan et le Tajikistan. [© SGI-Quarterly]

Soucieuse d’impliquer les jeunes dans ses programmes, l’Organisation des Nations unies (ONU) accueille, chaque année, des représentants de la jeunesse venus des cinq continents. Mélanie Poole, vingt-cinq ans, a été, en 2008, l’une des deux représentantes de la jeunesse australienne sélectionnées lors de la 63e session de l’Assemblée générale.

Son intérêt pour l’action humanitaire et bénévole, depuis la fin de ses études secondaires, l'a conduite à assister des orphelins du SIDA et des réfugiés au Kenya, des jeunes femmes au Pakistan, ou encore des populations indigènes en Australie. Aujourd’hui, elle termine des études de droit et de lettres à l’Université nationale d’Australie.

Entretien avec le magazine SGI Quarterly.


SGI Quarterly : Ou’est-ce qui vous a amenée à vous impliquer dans le programme des représentants de la jeunesse de L’ONU ?

Melanie Poole : Quand j’étais lycéenne, j’étais engagée dans beaucoup d’activités socio-culturelles. J’ai ensuite voyagé et contribué à des actions sociales dans plusieurs pays en voie de développement. Je n’aurais jamais imaginé que ces expériences me conduiraient, un jour, à prendre la parole devant l’Assemblée générale de l’ONU J’ai compris que, en faisant régulièrement des choses qui ont du sens, on finit inévitablement par trouver sa place.


Que s’est-il passé, une fois que vous avez été sélectionnée comme déléguée, en Australie ?

C’est un poste de un an, avec huit semaines au siège de l’ONU à New-York. Vous passez la moitié de l’année à faire un travail de consultation en Australie, en couvrant chaque Etat et chaque territoire, afin d’élaborer un mandat à partir duquel vous représentez la population des jeunes. J’ai pu passer un mois entier de ma période de consultation à visiter les communautés indigènes. Cela a été une extraordinaire occasion d’entrer en contact avec les gens et d’écouter leurs témoignages.

Je pense qu’il est très important d’avoir une expérience de terrain, forte en émotion, pour compléter notre compréhension intellectuelle.


Quelle a été votre première impression lorsque vous êtes arrivée à l’ONU ?

Les premières semaines ont été étonnantes. Je me suis retrouvée dans les couloirs, croisant de très près des gens comme Tony Blair, Ahmadinejad, Bono... toutes sortes de gens. Des séminaires étaient constamment organisés dans des petites salles de réunion, et des gens comme Jeffrey Sachs1 pouvaient y intervenir, et vous pouviez y aller et avoir ensuite avec eux un échange assez long.

Notre travail portait sur la Troisième Commission de l’assemblée générale qui traite des questions des droits de l’homme. L’année dernière, les travaux concernaient la question indigène, celle des femmes et celle de la jeunesse.

Parmi les occasions clés de plaider en faveur de la jeunesse, il y avait d’abord un discours que le représentant de la jeunesse de chaque pays adresse à la Troisième Commission de l’assemblée générale. J’ai personnellement senti un décalage entre toute l’information que j’avais collectée en Australie et le niveau auquel je devais me hisser pour pouvoir réellement transmettre des informations précises. Mais nous avons pu faire passer les principaux points dont les jeunes se préoccupaient, tels que le changement climatique, l’égalité des femmes et la question indigène. Nous avons utilisé le discours pour défendre la cause de la participation des jeunes aux décisions internationales.

À mon sens, la principale contribution que peuvent apporter les jeunes à l’ONU, c’est d’abord leur franchise et leur sens de la justice. Parmi les nombreux discours politiques, les jeunes sont particulièrement doués pour saisir quelques idées audacieuses. Ils aiment les actions concrètes. Aussi, j’ai proposé à une jeune Noire-Américaine de Harlem, Aja-Monet Bacquie, de devenir porte-parole. Je l’ai rencontrée à une conférence sur les droits des femmes. Cette jeune femme milite pour faciliter l’accès des jeunes aux logements sociaux. Elle est aussi poète ; ses écrits sont très touchants. J’étais assez inquiète concernant la façon dont elle serait reçue, parce que le cadre de l’ONU est formel. Personne n’applaudit jamais quiconque, mais, à la fin de sa prise de parole, toute la salle a retenti sous les applaudissements.

L’organisation des Nations unies est un « petit monde ». Les diplomates ont rarement le temps de mettre le pied à l’extérieur. Cela a donc été très émouvant de voir cette jeune femme venir dire : « Si tu prends le métro pour voyager quinze minutes, alors voilà les gens que tu vas croiser », et raconter à quoi ressemble la vie des jeunes Noirs-Américains de Harlem dans les logements sociaux.

Et, alors que nous avions une discussion à propos des Objectifs du millénaire pour le développement, elle a déclaré : « Tout ça semble magnifique, mais, si vous alliez dans la cité où j’ai vécu et que vous demandiez aux gens de décrire la pauvreté, ils ne citeraient aucune des choses que vous avez mentionnées. » Elle a alors donné une description beaucoup plus large de la pauvreté, incluant le manque de maîtrise de sa propre vie, le sentiment de ne pas être entendu ou respecté, le manque d’envie ou de capacité à participer à quoi que ce soit. Sa notion intuitive de la pauvreté était nouvelle pour de nombreuses personnes.

Je pense que l’un des inconvénients de l’ONU, réside dans le cynisme, la rigidité etla politique politicienne, parfois trop présents. Mais je reste convaincue de la capacité de cet organisme à rester un forum de discussion pour un changement progressiste. Je pense que des jeunes enthousiastes et sincères, qui présentent des perspectives originales, peuvent aider les gens à se rappeler ce qu’ils font là.


Selon vous, comment les représentants de la jeunesse sont-ils perçus ?

Le principal problème est que nous ne sommes pas très visibles. S’il y avait 192 représentants des jeunes, je pense que cela ferait une énorme différence. L’année dernière nous étions un groupe d’environ dix-sept personnes. Les gens ne savent pas qui nous sommes. Ils supposent simplement que nous sommes des stagiaires. Je suis aussi préoccupée par le fait que les pays en voie de développement ne sont pas bien représentés.


Beaucoup de jeunes veulent changer les choses dans le monde, mais ils doutent de leur capacité à provoquer des changements…

S’impliquer dans des programmes sociaux vous donne une perception tangible des changements que vous pouvez provoquer. Par exemple, quand j’étais au Pakistan en 2007, j’ai rencontré un grand nombre de personnes, des femmes notamment, qui faisaient des choses étonnantes. Pourtant ils étaient isolés et n’avaient presque rien. Leurs parcours vous aident à rester motivé. Arriver là et entrer en contact avec des personnes qui créent le changement vous convainc du fait que vous pouvez, vous aussi, changer les choses. C’est finalement plus eux qui m’aidaient que l’inverse.

Par exemple, quand j’ai rencontré ces jeunes femmes qui animent des écoles de filles, en dépit des menaces de Talibans, je me suis dit : « Bon, je n’ai vraiment aucune excuse, si elles peuvent faire ce qu’elles font dans de telles conditions, alors moi aussi, avec toutes les ressources et les avantages dont je dispose, je le peux aussi ! »Je pense que nous voulons tous créer le changement, on se laisse simplement gagner par la désillusion.

J’ai récemment obtenu un nouveau poste dans le programme de sciences politiques de l’Université nationale d’Australie sur la question des jeunes et du changement climatique. À titre d’exemple, les recherches prouvent que l’hypothèse selon laquelle de nombreuses personnes resteraient indifférentes à la possibilité de se joindre au dialogue politique, ou apathiques en ce qui concerne la question des droits de l’homme, est en fait un mythe. Les résultats révèlent que ces personnes changent de point de vue quand on prend le temps de les écouter et quand on leur demande sincèrement de participer à des forums.


Comment s’est développée votre envie d’agir pour les autres ?

Quand j’avais environ huit ans, j’ai décidé que j’irais en Afrique dès que j’aurais fini l’école. À seize ans, j’ai commencé à me renseigner sur toutes les organisations bénévoles dans lesquelles je pouvais m’impliquer. J’ai été élevée dans une famille monoparentale ayant des revenus très bas, etje ne pouvais certainement pas demander qu’on me paie un voyage à l’étranger. Comme ma volonté était forte, j’ai travaillé le nombre d’heures nécessaires pour mettre de l’argent de côté.

L’une des choses importantes que j’ai apprise à travers ces expériences, c’est que, si vous demandez aux gens de vous aider, généralement ils veulent vous aider. Et, quand vous faites quelque chose qui a du sens, vos actions s’enchaînent les unes après les autres et finissent par porter leurs fruits.


Tiré de l’article An Active Profile, du SGI Ouarterly, octobre 2009.


Note

  • 1. Jeffrey Sachs économiste, directeur de l’institut de la Terre, à Columbia university, et conseiller spécial du secrétaire générai de l’ONU, M. Ban Ki Moon.

À mon sens, la principale contribution que peuvent apporter les jeunes à l’ONU, c’est d’abord leur franchise et leur sens de la justice. Parmi les nombreux discours politiques, les jeunes sont particulièrement doués pour saisir quelques idées audacieuses. Ils aiment les actions concrètes.

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