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Paysan philosophe sans frontières, auteur d'une vingtaine de livres, Pierre Rabhi s'est engagé dans une voie toute simple, avec le soutien de sa femme et de sa famille : vivre mieux avec moins. Il présente cette démarche dans son ouvrage Vers la sobriété heureuse.

« Les limites qu'impose – par sa constitution même – la planète Terre rendent irréaliste et absurde le principe de croissance infinie. »1

Fils d’un forgeron en Algérie sub-saharienne, placé par son père auprès d’une famille française pour son éducation, Pierre Rabhi a vingt ans quand il voit dans la modernité une immense imposture.

« La vie n’est une belle aventure que lorsqu’elle est jalonnée de petits ou de grands défis à surmonter, qui entretiennent la vigilance, suscitent la créativité, stimulent l’imagination, et déclenchent l’enthousiasme, à savoir le divin en nous. »2

Au bout de trois ans passés comme ouvrier spécialisé en région parisienne, en 1901, il décide le « retour à la terre ». Il pense ainsi s'éloigner du monde dominé par la productivité. Sa naïveté est frappée d'une énorme déconvenue, car cette obsession productiviste est aussi virulente à la campagne : « Le dieu qui dominait, déterminait tout, méritait les plus grands éloges, demeurait le tracteur... »3

Parsemé de nombreuses anecdotes, son livre Vers la sobriété heureuse est une critique radicale de la modernité à laquelle nous devons l'uniformisation et la standardisation d'un pôle à l'autre de notre planète, et dénonce les outils inventés pour gagner du temps, qui nous font travailler jour et nuit. L'auteur nous invite à ne pas minimiser l'importance et la puissance des petites résolutions à l’échelle individuelle, qui contribuent à construire un monde auquel nous sommes de plus en plus nombreux à aspirer.

La sobriété est une vraie richesse, mais qui n’est pas financière ; elle fait aller de soi frugalité, hospitalité, entraide, gratitude. La sobriété heureuse relève du domaine mystique et spirituel : « Il est dommage que le temps passé à essayer de savoir s’il existe une vie après la mort ne soit pas consacré à comprendre ce qu’est la vie et, en comprenant son immense valeur, à agir pour en faire un chef-d’œuvre inspiré par un humanisme vivant et actif, au sein duquel la modération serait un art de vivre. Vouloir être exhaustif dans l’inventaire des atteintes portées à l’humain par l’homme est mission impossible… De même, nous avons une créance de survie millénaire à l'égard des animaux, compagnons de notre destin. Or, quel que soit le secteur de la vie moderne que nous examinions, nous sommes toujours aux antipodes de la sobriété heureuse. »4

Dans la conclusion, intitulée « Un changement humain », il évoque sa campagne électorale à l'élection présidentielle en 2002, où il appelle au rééquilibrage masculin/féminin et à une indignation constructive. Le succès que remporte cet homme simple, sensible à la beauté d'un paysage (la beauté donne de l'énergie), qui réfléchit et agit en restant fidèle à lui-même, se mesure à son audience toujours plus considérable en France et à l'étranger.

Chacun aspire à se réapproprier son destin : la clé étant de se changer soi-même.


A lire dans le numéro de Valeurs humaines n°47, septembre 2014, p. 34.
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Il est dommage que le temps passé à essayer de savoir s’il existe une vie après la mort ne soit pas consacré à comprendre ce qu’est la vie et, en comprenant son immense valeur, à agir pour en faire un chef-d’œuvre inspiré par un humanisme vivant et actif, au sein duquel la modération serait un art de vivre.

Pierre Rabhi, né en 1938 à Kenadsa, en Algérie, est un essayiste, agriculteur biologiste, romancier et poète français, inventeur du concept « Oasis en tous lieux ». Il défend un mode de société plus respectueux de l'homme et de la terre et soutient le développement de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et préservant les ressources naturelles : l'agroécologie. Il fonde le Mouvement des Colibris, en 2007.


Notes

  • 1. Vers la sobriété heureuse, p. 9.
  • 2. Ibid., p. 23.
  • 3. Ibid., p. 30.
  • 4. Ibid., p. 90 et 126.
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