Danielle Mitterrand pendant le meeting de Toulouse du 19 avril 2007 de Ségolène Royal et José Luis Rodríguez Zapatero pour l'élection présidentielle de 2007. [© Guillaume Paumier /Wikimedia-CC]

Première dame aux côtés du président François Mitterrand, Danielle Mitterrand aurait pu se contenter du confort de cette position et de quelques actions humanitaires médiatisées. Peu attirée par les mondanités, elle préférait les actions de terrain, souvent menées dans l’ombre.

Disparue en novembre 2011, Danielle Mitterrand laisse l’image d’une femme sincère, et déterminée dans ses combats, ceux de sa jeunesse, puis au sein de sa fondation France-Libertés. Dans un livre paru après sa mort, intitulé Ce que je n’accepte pas, elle retrace les étapes de ses engagements. Ce qui nous permet de mieux connaître cette grande dame du XXe siècle.

Danielle Mitterrand naît le 24 octobre 1924 à Verdun, dans une famille d’instituteurs laïcs et républicains. Durant la guerre, en 1940, elle est marquée par l’attitude de son père, principal de collège, refusant de recenser les élèves juifs. À dix-sept ans, elle devient agent de liaison aux côtés de sa soeur aînée.

En 1944, elle fait la connaissance de François Mitterrand dans le réseau parisien qu’il dirige. Quand il est élu président, elle n’hésite pas à lui rappeler la nécessité d’un contre-pouvoir au sein de l'Etat pour plus de démocratie. Elle s’aperçoit vite du peu de crédit que remportent ses idées, au plan politique. En visite au Guatemala, elle rencontre Rigoberta Menchu dont le discours radical la séduit. Au Chili, elle plaide la cause des Indiens Mapuche, victimes de la déforestation, auprès du président socialiste, et se heurte à l’incompréhension. Ces échecs pour faire entendre sa voix auprès des autorités officielles la décident à créer son ONG : France-Libertés.

Les enjeux de France-Libertés

Aux réseaux politiques, elle préfère donc les réseaux associatifs. France-Libertés s’implique à la fois dans la solidarité internationale, l’économie locale et la défense des droits humains, en construisant des écoles, des centres culturels ou des puits. La première dame mène aussi des campagnes contre le racisme, le sida et la défense des minorités.

Etre aux côtés des sans-voix, c’est bien l’objectif premier de Danielle Mitterrand. Lors des rencontres de Dakar, en 1987 et en 1989, à Marly-le-Roi, elle réussit à organiser un face-à-face entre les autorités de l’ANC (Congrès national africain) et ceux de l’apartheid, contribuant ainsi à faire avancer la position de Nelson Mandela et le processus de paix. À l’ONU, elle donne la parole aux Tibétains, aux résistants iraniens et sarhaouis, et dénonce les massacres kurdes de Saddam Hussein, non sans susciter des protestations.

L’eau n’est pas une marchandise

À partir de 1995, elle reçoit des témoignages concernant les difficultés d’accès des populations à l’eau potable et apporte son soutien à la préservation de réservoirs d’eau naturelle en Inde. Elle soutient également des populations du Pérou qui se mobilisent contre l’exploitation d’une mine d’or menaçant quatre lacs d’eau potable dans la région. Leur slogan : « Sans or on vit, sans eau on meurt ».

France-Libertés met au point une charte des porteurs d’eau : « L’eau n’est pas une marchandise; elle doit être rendue à la terre dans sa pureté initiale pour les générations à venir ; son accès doit être considéré comme un droit soumis au contrôle citoyen. » Cette charte a été adoptée par des centaines de milliers de personnes, en Afrique, en Inde et en Asie et aussi en Europe (le mouvement des porteurs d’eau), afin d’obliger les autorités à tenir compte de ces principes.

Notons que, même en France, des entreprises privées s’approprient le droit de gestion de l’eau, et les maires désirant revenir à une gestion publique moins onéreuse doivent payer des pénalités auprès d’elles, ce qui les fait souvent renoncer.

Créer de nouveaux indicateurs de richesse

Autre combat mené par France-Libertés : soutenir les minorités ethniques dont les droits humains sont souvent ignorés, face au système économique dominant. L’ONG privilégie ainsi des projets de terrain, pour la préservation des modes de vie et savoirs traditionnels des popullations. En Colombie, des entreprises américaines étaient prêtes à détruire un village pour exploiter une mine d’or. Les villageois ont protesté et obtenu d’exploiter la mine à leur profit. En Bolivie, à Cochabamba, en 2000, la population a refusé la privatisation de l’eau. Elle a eu gain de cause. Autant de résultats encourageants.

Selon Danielle Mitterrand, il faudrait fonder davantage la société sur l’échange, la réflexion ou la création et sortir du système de l’argent roi.

Elle constate aussi que beaucoup de peuples considérés comme pauvres, selon les critères de richesse occidentaux, se disent heureux. Les habitants de l’état d’Acre, tout petit état au Brésil, lui ont dit : « Vous devriez venir nous voir ; comme on a un P.I.B zéro, on est considéré comme pauvre, mais regardez comme on est riches ! On a une terre fertile, la forêt, l’eau, du soleil, des enfants qui vivent librement, des bibliothèques ouvertes à tous. » Ils n’ont ni banquiers ni bourse... L’argent n’est pour eux qu’un outil. « On s’en sert pour l’échange, mais il ne représente rien en soi. »

Vive l’avenir !

Les statistiques économiques établissent que 20% de la population mondiale disposent de 80% des ressources naturelles. Il semble donc important de transformer « une société du beaucoup avoir en une société du bien-être » et, face à la dégradation de l’environnement, dans les sociétés occidentales, d’inventer de nouveaux modèles sociaux, économiques et écologiques. « Je souhaite de tout coeur que nos propositions, en faveur des biens communs du vivant, soient comprises de tous, et participent à l’urgente et indispensable métamorphose de la société humaine vers une nouvelle civilisation. »

À la jeunesse, elle adresse ce message : « Ce n’est pas le nombre qui importe, c’est la détermination, et je demande aux jeunes de s’interroger au-delà de leur désir : “Suis-je déterminé ?” Je ne demande pas de suivre un exemple, mais de devenir un exemple – un exemple de curiosité, d’esprit critique, d’engagement, et de prise de responsabilité. »

Et de conclure : « Vive l’avenir! »


Note : Citations extraites de Ce que je n’accepte pas, Danielle Mitterrand et Gilles Vanderpooten, Éditions de l'Aube, janvier 2012.

A lire dans le numéro de Valeurs humaines, n°21-22, juillet-août, pp. 34-35.
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