Austregésilo de Athayde. [R.Beliel]

Personnage emblématique du Brésil et journaliste engagé, Austregésilo de Athayde est l’un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il a consacré sa vie à dénoncer l'oppression et à bâtir un siècle sans discriminations. Et sans guerres. Portrait.

« Cela fait près de cent uns que je suis en vie. J’ai dû attendre l’âge de quatre-vingt-quatorze ans pour rencontrer le président Ikeda. Alors, l’attendre encore une heure ou deux n’est vraiment pas un problème. »1 Austregésilo de Athayde, président de l’Académie des Belles-Lettres du Brésil, était venu, en personne, accueillir son hôte à l’aéroport de Rio. C’était en février 1993, lors du quatrième et dernier voyage de Daisaku Ikeda au Brésil. À son arrivée, M. Athayde s’était avancé vers lui et avait pris ses mains en lui disant : « Monsieur Ikeda, j’aimerais combattre avec vous de toutes mes forces. Ensemble, changeons l’histoire de l’humanité. »2

Malgré sa santé vacillante et son grand âge, M. Athayde continuait à se battre. Son combat avait pris la forme d'un livre de dialogues issus de la correspondance assidue entre les deux hommes. « Il me reste peu de temps à vivre, avait-il alors dit à M. Ikeda. Pour l’avenir de l’être humain et le XXIe siècle, je tiens à ce que nous menions ce projet à bien. »3 Le livre, paru sous le titre Parler des droits de l’homme au XXIe siècle, fut achevé quelques jours à peine avant sa mort, le 15 septembre 1993. M. Athayde s’éteignait après avoir voué sa vie entière à promouvoir les droits humains.

Se dresser contre l'oppression

Né le 25 septembre 1898 à Caruaru, dans le nord du Brésil, Bellarmin Austregésilo Maria Augusto de Athayde fut enseignant, journaliste, chroniqueur, essayiste et orateur de son pays. Au cours de sa longue existence, il reçut cent soixante-dix médailles, plaques et trophées. Beaucoup s’accordent à dire que sa plus grande fierté fut sa contribution à la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En 1948, en effet, il participe à la troisième Assemblée générale des Nations unies à Paris, en tant que délégué du Brésil. Membre du comité qui rédigea la Déclaration universelle des droits de l’homme, M. Athayde joue un rôle décisif dans les débats qui aboutissent au texte définitif. Selon lui, c’est la totale indifférence pour la vie humaine qui a entraîné le monde dans la Seconde Guerre mondiale. En 1932, son opposition déclarée à la révolution de 1930, qui allait porter un dictateur au pouvoir au Brésil, lui coûte, par trois fois, l’emprisonnement. Il doit s’exiler en Europe. Il est alors témoin, in situ, de la croissance et de la peur inspirées parles régimes fascistes et nazis qui se profilent, des régimes responsables de persécutions contre les minorités ethniques et sociales.

Dès son retour au Brésil, il n’a de cesse d’écrire, de façon systématique et sur un ton d’avertissement, sur les dangers des dictatures totalitaires qui ont émergé dans le Vieux Monde. Le 16 août 1933, six ans avant le déclenchement de le Seconde Guerre mondiale, son inquiétude exacerbée est emplie d’accents prophétiques. Il écrit : « La tension des esprits dans le monde, surtout après que l’Allemagne est passée entre les mains de M. Adolf Hitler, est semblable aux jours sombres qui ont précédé 1914. »4 Pour éviter que l’Histoire ne bégaie encore à l’avenir, M. Athayde ressent l’importance d’organiser le premier document de l’ONU, qui mettrait la dignité de la vie sur la planète au-dessus du champ restreint des intérêts politico-économiques pays.

Combattre par les mots

Écrire fut sa façon de s’engager pour la liberté et le respect de la vie humaine. À douze ans, il souhaite devenir prêtre, s'inscrit à un séminaire de prêtrise et étudie jusqu’à la troisième année de théologie. Mais il opte, finalement, pour le droit et le journalisme, en vue de dénoncer toutes les formes d’oppression. En 1918, Austregésilo Athayde a vingt ans. La Première Guerre mondiale fait rage. « Les êtres humains doivent cesser de se torturer entre aux, écrit-t-il, je n’admettrai jamais aucune forme de discrimination. »5 Diplômé en droit, il enseigne, une partie de sa vie, dans diverses universités, mais sa véritable vocation reste le journalisme. Il exercera sa plume tour à tour dans plusieurs journaux et hebdomadaires tout au long de son existence. Il signera cinquante mille articles en soixante-dix ans. « Je n’ai jamais écrit un article qui n’a pas exprimé la ligne de mes convictions démocratiques. Je n’ai jamais loué des partis, des groupes ou des hommes. (...) Je suis en faveur d’idées, de points de vue. De ce qui est encore en vie de la pensée de la démocratie, la préservation de notre unité nationale et le bien du peuple brésilien. »6

En 1951, il rejoint l’Académie brésilienne des Lettres, qu’il préside de 1958 jusqu’à sa mort. À la tête de l'Académie, il s’impose comme un visionnaire, se consacre de façon permanente à développer cette prestigieuse institution, sur le plan spirituel et matériel. Sa présidence dure trente-quatre ans, la plus longue que l’Académie n’ait jamais connue. Parmi ses nombreuses réalisations, au-delà de ses fonctions administratives, Austregésilo Athayde fait construire l’édifice de vingt-neuf étages du Centre culturel du Brésil, rattaché à l’Académie, qu’il inaugure le 20 juillet 1979. « Il faut approfondir les relations entre les êtres humains, disait-il, on ne peut protéger la liberté que par la culture et l’éducation. »7 Cette vision du rôle de la culture et de l’explication explique sa sympathie pour le mouvement bouddhiste Soka. « Si la Soka Gakkai poursuit son action, avait-il déclaré, je suis convaincu que viendra l’avènement du siècle des Droits de l’homme. »8


Austregésilo de Athayde accueille Daisaku Ikeda à son arrivée à l'aéroport international Galeao, Rio de Janeiro, Brésil, en février 1993. [© Seikyo Press]

A lire dans le numéro de Valeurs humaines n° 2, décembre 2010, p. 16-17.
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Notes

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