[©Jonathan Kos-Read / CC BY-ND 2.0]

En dix ans, des progrès notables ont été réalisés pour l'intégration des personnes handicapées. Malgré des lacunes et des insuffisances, la société se met peu à peu au diapason de leurs besoins et aspirations.

Novembre 2011. La France des « valides » semble découvrir un monde parallèle : celui des personnes handicapées. Le film Intouchables percute la société française en plein coeur et lève des siècles de tabous. Par le biais de l'humour et de la générosité, la réalisation d'Olivier Nakache et Eric Toledano propose au public une clé pour oser regarder le handicap droit dans les yeux, sans peur ni culpabilité. Avec 20 millions d'entrées dans l'Hexagone, c'est le film français qui a réalisé le plus d'entrées dans le monde, après Lucy1.

Si le succès d'Intouchables, véritable phénomène de société, a permis d'abattre quelques barrières, la notion de handicap n'en demeure pas moins abstraite. Beaucoup ignorent en effet que l'on peut se trouver en situation de handicap à l'insu de tous (certains handicaps sont invisibles). Ou que la qualité de « personne handicapée » représente un statut juridique. Ou encore que des solutions spécifiques (cartes, prestations sociales, emploi, formation, logement, transport, etc.) peuvent être proposées, mais que ce n'est pas systématique.

Un recensement compliqué

D'après la loi du 11 février 2005 : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou trouble de la santé invalidant. »

Or, il est difficile de recenser les personnes handicapées en raison de la multiplicité des paramètres d'évaluation, et surtout de la diversité des manifestations du handicap : physique (ou moteur), sensoriel, psychique, cognitif, le polyhandicap, troubles de santé invalidants, maladies rares et orphelines, etc. Selon le ministère de la Santé, sur une douzaine de millions de Français porteurs de handicap en 2010, environ 5 millions de personnes se sont déclarées handicapées, parmi lesquelles 2 millions de personnes à mobilité réduite et 245 000 enfants handicapés scolarisés.

Vers une reconnaissance de la dignité

Jusqu'au début du XXe siècle, les individus dits « anormaux », «diminués », « inadaptés » ou « débiles » sont bannis de la société, reclus derrière des murs, dans des « asiles de fous » où ils croupissent dans l'attente d'une mort prématurée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les personnes handicapées font partie des cibles vouées à l'extermination des nazis. Il faudra attendre 1946 pour que le Préambule de la Constitution du 27 octobre stipule: « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

Après la guerre, l'intégration sociale des personnes handicapées est le fruit du combat mené par les associations telles que l'Association des paralysés de France ou l'Association française contre les myopathies. Le décret du 2 septembre 1954 ordonne la création des Centres d'aide par le travail (CAT), et la loi du 23 novembre 1957 définit la qualité de « Travailleur handicapé ».

La politique du handicap au XXIe siècle

Mais c'est surtout la loi du 11 février 2005, « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », qui permet au statut et à la protection des personnes handicapées de connaître un progrès significatif. Reste à rendre cette égalité effective dans un contexte où l'on parle « d'accessibilité », « d'adaptation », « d'aménagement de l'espace social ». Certes, la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire a fortement augmenté depuis 2005. Mais le taux de chômage des personnes handicapées reste deux fois supérieur à celui de la population active2. Cela, malgré le Pacte national pour l'emploi des personnes handicapées, mis en place en 2008, et la Conférence nationale du handicap du 8 juin 2011.

Quoi qu'il en soit, il est permis de rester optimiste. Dans chaque département, des interlocuteurs privilégiés, les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées), centralisent les demandes, les transmettent et proposent un accès aux droits et aux prestations. Rendre la cité accessible à tous est aussi une priorité du cadre juridique français. L'évolution sociétale vers un respect des plus faibles se précise, conforme au souhait de Joseph Wresinski3 : « Considérer les progrès de la société à l'aune de la qualité de vie du plus démuni et du plus exclu est la dignité d'une nation fondée sur les Droits de l'homme. »


A lire dans le numéro de Valeurs humaines n° 57-58, juillet-août 2015, p. 28-29.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. › Abonnement / Achat au numéro

Notes

  • 1. Lucy, film de Luc Besson, 2014.
  • 2. Fin 2013, sur 2 millions de personnes concernées, 21% étaient au chômage (Source: Le Monde)
  • 3. Joseph Wresinski (1917-1988) prêtre français, fondateur du Mouvement des droits de l'homme ATD Quart Monde, et initiateur de la lutte contre l'illettrisme.
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