Pour la quinzaine d’étude de février 2022, nous vous proposons d’aborder le thème du dialogue qui, selon Daisaku Ikeda, est « la force qui permet de créer un réseau pour la paix ».


Extrait du volume 30 de La Nouvelle Révolution humaine

« Vive Mandela ! » s’écrièrent les quelque 500 jeunes qui attendaient devant le bâtiment du journal Seikyo, à Tokyo. En ce 31 octobre 1990, Shin’ichi Yamamoto, aux côtés de représentants du département de la jeunesse, accueillit Nelson Mandela, le chef du mouvement anti-apartheid de l’Afrique du Sud et le vice-président du Congrès national africain (ANC), et engagea un dialogue avec lui.

Défenseur des droits humains, Mandela avait été incarcéré pendant dix mille jours – soit plus de vingt-sept années – mais, en définitive, il remporta la victoire dans sa lutte contre la discrimination. L’année suivante [1991], il devint le président de l’ANC, et, en 1994, il fut élu président de l’Afrique du Sud dans la première élection du pays ouverte à tous le habitants, sans discrimination fondée sur les origines ethniques.

« Je vous accueille avec le profond respect dû à un héros du peuple ! » s’exclama Shin’ichi au moment où Mandela sortait de sa voiture.

Le dirigeant sud-africain répondit avec un sourire chaleureux : « C’est pour moi un grand honneur de vous rencontrer. Je m’étais dit que, si un jour j’allais au Japon, il faudrait que je vous rencontre. »

Au début de leur conversation, Shin’ichi remercia chaleureusement Mandela d’être venu le voir, et il félicita sincèrement le chef de l’ANC pour son combat : « Vous avez démontré que la justice finit toujours par triompher. Vous avez insufflé du courage aux personnes ordinaires du monde entier. »

En prison, Mandela avait mis en place un système permettant aux prisonniers de partager entre eux leur savoir-faire et leurs compétences. Il dut lutter contre d’innombrables obstacles pour que les prisonniers politiques obtiennent le droit de s’instruire durant leur incarcération. Il remporta ainsi la victoire sur ce qu’il appelait « la tendance de la prison à détruire l’esprit des êtres humains, à nier l’intelligence et à transformer les détenus en des sortes de robots. »1

À propos de la lutte de Mandela en prison, Shin’ichi dit : « Il est particulièrement remarquable que vous ayez transformé la prison en un lieu de formation, créant ainsi en quelque sorte une “université Mandela”. Je suis profondément touché par la passion avec laquelle vous avez toujours défendu l’éducation, où que vous soyez, et par votre lutte persévérante pour vous améliorer. »

Ceux dont la détermination à s’améliorer est indéfectible trouvent toujours le moyen de continuer d’apprendre, où qu’ils se trouvent.

Mandela répondit aux éloges de Shin’ichi. « Merci pour votre accueil chaleureux, lui dit-il. Vous êtes connu dans le monde entier, M. Yamamoto, y compris dans mon pays. Votre rôle en tant que dirigeant d’une organisation qui crée des valeurs durables pour l’humanité et qui utilise ces valeurs pour réunir les êtres humains est de toute première importance dans le monde.
— J’ai voulu vous rencontrer dès l’instant où j’ai entendu parler de vous et de la SGI,
ajouta-t-il avec un sourire, et, maintenant que je suis au Japon, je ne pouvais pas partir sans vous voir. »
— Ma rencontre avec vous est pour moi une source de lumière, de force et d’espoir »
, dit-il encore, les yeux brillants.

Les grands dirigeants accordent la plus grande valeur au dialogue, et en tirent le meilleur parti pour favoriser l’essor et le développement. […]

Les « fleurs humaines » sont mentionnées dans le chapitre « La parabole des herbes médicinales » du Sûtra du Lotus (cf. SdL-V, 116). Dans ce chapitre, les êtres vivants, dotés de qualités et de capacités diverses, sont comparés à une grande variété de plantes, tandis que les enseignements du Bouddha sont comparés à la pluie qui tombe avec impartialité pour nourrir toutes ces plantes, permettant ainsi à leur nature de bouddha de s’épanouir pleinement.

Comme l’illustre le Sûtra du Lotus, le bouddhisme s’oppose depuis ses origines à toutes les formes de discrimination. Il rejette les discriminations fondées sur les castes ou classes sociales, l’appartenance ethnique, la nationalité, la religion, la profession ou l’origine. Cela lui a valu d’être confronté à de nombreuses persécutions de la part des institutions et des autorités au pouvoir. Nichiren Daishonin se définit lui-même comme le « fils d’une famille de chandala » (Bannissement à Sado, Écrits, 203). S’identifiant à ceux qui appartiennent aux classes les plus marginales et sont la cible de discriminations, il lutta pour répandre la philosophie bouddhique de l’égalité absolue.

Shin’ichi souligna que la SGI, qui reflète l’histoire du bouddhisme et incarne l’esprit de lutter pour défendre les droits humains, œuvrait au développement d’un mouvement pour la paix, la culture et l’éducation, fondé sur un bouddhisme ouvert à tous. Dans une perspective à long terme, il ajouta que la cause de l’essor d’une nation était à l’évidence l’éducation. Plus le nombre d’individus informés et conscients s’accroît, et plus il y a de gens en mesure de percevoir la vraie nature de leur société et d’établir une claire distinction entre le juste et l’erroné, le bien et le mal. […]

Dialoguer, partager ses espoirs de paix, et forger des liens de personne à personne – telle est l’approche volontariste et graduelle qui permet de résoudre les problèmes. Il faut engager des dialogues sincères et les poursuivre jusqu’à ce qu’ils portent leurs fruits. Cela nécessite beaucoup de persévérance et de ténacité sur le plan spirituel.

En revanche, ceux qui adoptent une approche extrémiste et ne se posent pas de questions ont souvent recours à l’agressivité, en raison de leur faiblesse intérieure. C’est en réalité une proclamation de leur défaite en tant qu’être humain, qui les conduit à dépendre de la violence et d’autres formes de coercition pour parvenir à leurs fins.

Unir les cœurs des êtres humains par le dialogue est la force qui permet de créer un réseau pour la paix.

(Extrait de La Nouvelle Révolution humaine, vol. 30, partie 2, Acep, p. 269-276.)


Extrait de La Sagesse pour créer le bonheur et la paix

Depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001, le monde est en proie à une extraordinaire montée des tensions. À mesure que les gouvernements renforcent les mesures de sécurité pour prévenir des attentats terroristes susceptibles de survenir à tout moment, la vie des citoyens ordinaires est emplie d’un sentiment de peur et d’insécurité. Rien n’indique que l’on va revenir à une situation normale.

Bien que les circonstances aient été, en un sens, similaires pendant la guerre froide, quelque chose d’encore plus insaisissable plane autour de la menace actuelle. Il est impossible d’identifier les auteurs potentiels d’actes terroristes, et il n’existe aucune notion claire de ce qui pourrait remédier à la situation. Il règne un sentiment croissant de vulnérabilité, que même les actions militaires les plus offensives et les mesures de sécurité les plus contraignantes sont impuissantes à atténuer. [...]

Comment l’humanité du xxie siècle peut-elle surmonter la crise à laquelle nous sommes confrontés ? Il n’existe, bien sûr, aucune solution simple, aucune « baguette magique » qu’il nous suffirait de brandir pour remédier à la situation. Le chemin sera périlleux, car il exige de trouver une réponse appropriée à un type de violence qui rejette toute tentative d’engagement ou de dialogue. Malgré tout, il n’y a pas lieu de sombrer dans un pessimisme stérile et dénué de sens. Tous ces problèmes sont causés par des êtres humains, ce qui signifie qu’ils doivent avoir une solution humaine. Quel que soit le temps nécessaire, tant que nous ne renoncerons pas à démêler les fils qui relient inextricablement toutes ces questions, nous sommes certains de toujours trouver un moyen d’avancer.

L’essentiel, lorsque l’on entreprend de tels efforts, doit consister à faire apparaître pleinement les possibilités de dialogue. Aussi longtemps que l’histoire de l’humanité se poursuivra, nous aurons à relever le défi perpétuel de réaliser, maintenir et consolider la paix par le dialogue et de faire du dialogue la voie certaine et incontestable vers la paix. Il nous faut soutenir et proclamer sans cesse cette conviction, quelles que soenit la froideur des sourires ou les remarques sarcastiques qui nous accueillent.

Cette année (2005) marque le trentième anniversaire de la SGI. L’année 1975 fut, elle aussi, une période d’aggravation des conflits et des divisions qui déchiraient le monde. Les contrecoups de la quatrième guerre israélo-arabe (1973) et de la guerre du Vietnam se faisaient encore sentir ; le premier sommet des principaux pays industrialisés se tint cette année-là en vue de renforcer l’unité du bloc occidental, tandis que, au sein du bloc communiste, la confrontation entre la Chine et l’Union soviétique s’intensifiait dangereusement.

En cette année où fut aussi fondée la SGI, j’ai déployé des efforts intenses pour engager des dialogues. […] C’est au cœur de ces efforts fébriles pour promouvoir le dialogue que la SGI a été fondée, voici trente ans aujourd’hui, le 26 janvier 1975. Des représentants de cinquante et un pays et territoires étaient présents à la réunion inaugurale, sur l’île de Guam, théâtre de féroces combats lors de la Seconde Guerre mondiale. D’emblée, la SGI s’est employée à faire appel à l’énergie et à la créativité humaines afin de forger un mouvement populaire efficace en faveur de la paix. Depuis ce premier rassemblement, les pratiquants de la SGI ont constamment affirmé leur conviction que le dialogue représentait la voie la plus sûre vers la paix. Je me suis également consacré à développer une « diplomatie humaine », c’est-à-dire à réunir un monde divisé, dans un esprit d’amitié et de confiance, et à promouvoir des échanges, à un niveau populaire et à grande échelle, dans les domaines de la culture et de l’éducation.

Dans l’esprit de dépasser les différences nationales et idéologiques, j’ai engagé des dialogues avec des personnalités éminentes dans divers domaines à travers le monde. J’ai eu des échanges de vues avec des personnes venant d’une multitude d’horizons différents, aussi bien philosophiques que culturels ou religieux, notamment du judaïsme, du christianisme, de l’islam, de l’hindouisme et du confucianisme. Ma conviction inébranlable, confortée par cette expérience, est que l’humanisme doit constituer la base de ce genre de dialogue au XXIe siècle – un humanisme qui voit le bien dans ce qui nous unit et nous rapproche, et le mal dans ce qui nous divise et nous sépare.

(La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 3, 2/2, Acep, p. 235-239.)


Pour aller plus loin...

• Daisaku Ikeda, La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 1, chap. 22, « Le Sûtra du Lotus permet à tous les êtres humains de parvenir à une paix et à un bonheur absolus » – « Faire tourner la roue de la Loi » par le dialogue, p. 617-619.
• D. Ikeda, Dialogues avec la jeunesse, tome 2, p. 274-275.
• D. Ikeda, La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 3, partie 2/2, chapitre 28, Acep, 2020.


Note

  • 1. Traduit de l’anglais. Barbara Hutton, Robben Island : Symbol of Resistance, Johannesburg, SACHED Books, 1997, p. 55.

Ce support est à retrouver dans le numéro de Valeurs humaines du mois de janvier 2022.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. Abonnement / Achat au numéro

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