La Grande Vague de Kanagawa, plus connue sous le nom de La Vague. Célèbre estampe japonaise du peintre japonais Hokusai, publiée en 1830 ou 1831. Metropolitan Museum of Art, New York.

Se changer soi-même n’est pas aisé. Quiconque a déjà essayé de tenir ses bonnes résolutions du Nouvel an le sait. Améliorer, ne serait-ce qu’un simple aspect de son comportement, demande une forte détermination. Car notre vie semble contenir une résistance innée au changement au moins aussi forte que notre désir de nous améliorer.

Les trois obstacles et les quatre démons

Et plus le changement est profond, plus la résistance est grande. La transformation la plus profonde et la plus positive qu’un être humain puisse entreprendre est l’atteinte de la bouddhéité. C'est le processus de la “révolution humaine” à travers lequel une personne épanouit peu à peu ses potentialités en œuvrant à son propre bonheur ainsi qu’à celui des autres.

En établissant son enseignement fondé sur le Sûtra du Lotus, Nichiren Daishonin a donné un moyen concret permettant à tout un chacun d’entamer ce processus et de le mener à bien, en dépit des obstacles qui apparaissent inévitablement en cours de route.

Accepter est facile ; persévérer est difficile. Mais la bouddhéité réside dans une foi constante. Ceux qui observent ce Sûtra devraient être prêts à affronter des difficultés.
La difficulté de garder la foi, Ecrits, 472.

Ces “difficultés” se présentent inévitablement à toute personne tentant de progresser sur la voie bouddhique. Elles peuvent prendre diverses formes, intérieures ou extérieures. Le bouddhisme les identifie et les catégorise en “trois obstacles et quatre démons”.

Les trois obstacles

Ce sont des fonctions qui font obstacle à la pratique bouddhique.

  • Le premier obstacle (bonnô-shô) est causé par les désirs terrestres. Ce sont des troubles intérieurs, des souffrances aussi bien spirituelles que physiques, qui naissent des désirs, des passions, des illusions en général, et notamment des trois poisons (avidité, colère et ignorance).
  • Le deuxième obstacle (gô-shô) est causé par le karma gravé en nous pour avoir commis de mauvaises actions. Selon Nichiren Daishonin, cette causalité se traduit dans notre environnement par l’opposition de nos proches.
  • Le troisième obstacle (hô-shô) est la rétribution karmique créée en ayant vécu dans les trois mauvaises voies (les états d’enfer, d’avidité et d’animalité) et en nous opposant à la dignité de la vie - la nôtre ou celle des autres. Cette causalité intérieure se manifeste à l’extérieur par une opposition de la part de personnes qui, à un titre ou un autre, disposent d’une autorité sur nous.

Les quatre démons

Le terme “démon”, selon la conception bouddhique, ne désigne pas un être surnaturel, mais tout ce qui a pour fonction de diminuer, saper ou détruire la vie. Pour un pratiquant bouddhiste, c’est ce qui anéantit sa foi et lui barre le chemin de la bouddhéité.

  • Le premier (on-ma) est l’entrave des cinq agrégats1, provoquée par les perturbations des fonctions physiques et mentales d’une personne.
  • Le deuxième (bonnô-ma) est l’entrave qui provient des désirs terrestres.
  • Le troisième (shi-ma) est l’entrave engendrée par la mort. En effet, celle-ci peut interrompre brusquement la progression d’un pratiquant ou bien troubler les autres et les faire douter.
  • Le quatrième (tenshi-ma) est l’entrave du “roi démon du sixième ciel”, le plus puissant et le plus redoutable. Ce “démon” personnifie l’appétit de pouvoir, la manipulation, le fait de se servir des autres à ses propres fins égoïstes. Il se manifeste chez ceux qui détiennent le pouvoir et l’utilise pour persécuter les pratiquants bouddhistes.

Affronter les fonctions négatives

Quelle que soit leur forme, les obstacles découlent d’une seule et même source, ce que le bouddhisme appelle “l'obscurité fondamentale” : l’ignorance de la véritable nature de sa propre vie, ainsi que de celle des autres. Cette ignorance est à l’origine de toutes les illusions et de toutes les souffrances dans la vie des êtres humains. Pratiquer le bouddhisme équivaut à lutter et à vaincre toutes les manifestations de l’obscurité fondamentale. Citant le grand maître chinois Tiantai (539-597), Nichiren déclare :

« Si vous la propagez [la Loi bouddhique], les démons ne manqueront pas d’apparaître. Sinon, il n’y aurait aucun moyen de savoir qu’il s’agit bien de l’enseignement correct. » On lit, dans un passage du même volume : « A mesure que la pratique progresse et que la compréhension grandit, les trois obstacles et les quatre démons émergent sous des formes trompeuses, rivalisant les uns avec les autres pour entraver [le pratiquant]. Il ne faut être ni influencé ni effrayé par eux. Tomber sous leur influence nous mènera dans les voies du mal. Se laisser effrayer par eux nous empêchera de pratiquer l’enseignement correct. » Cette déclaration non seulement s’applique à moi, mais constitue aussi un guide pour mes disciples. Faites respectueusement vôtre cet enseignement et transmettez-le comme un principe de base de la foi aux générations futures.
Lettre aux deux frères Ikegami, Ecrits, 504.

Parvenir à la plus grande victoire

Nichiren, cependant, a une conception positive des obstacles et des démons, allant jusqu’à se réjouir de leur apparition, comme le signe avant-coureur d’une grande progression sur la voie de l’atteinte de la bouddhéité. Il écrit :

Il y a certes quelque chose d’extraordinaire dans le flux et le reflux des marées, le lever et le coucher de la lune, et la façon dont se succèdent l’été, l’automne, l’hiver et le printemps. De même, il est extraordinaire qu’un homme du commun atteigne la bouddhéité. A ce moment-là, inévitablement, les trois « obstacles et les quatre démons » apparaîtront, et les sages se réjouiront alors que les insensés battront en retraite.
Les Trois Obstacles et les Quatre Démons, Ecrits, 641.

C'est précisément parce nous affrontons ces fonctions négatives que nous pouvons développer notre vie, établir un état intérieur indestructible et finalement manifester notre nature de bouddha. Rencontrer de tels obstacles représente donc une occasion précieuse de progresser sur la voie de la bouddhéité.

La vie, en ce sens, peut être considérée comme un processus continu de lutte contre les obstacles et de développement. Deux qualités sont essentielles à ce processus : la sagesse et le courage. La sagesse nous permet de reconnaître les fonctions négatives pour ce qu'ils sont et de ne pas tomber sous leur influence ; et le courage nous permet d'affronter les obstacles et de ne jamais être vaincu intérieurement par eux.

« De même qu’il n’existe pas de voie facile pour accéder au savoir, il n’en est pas non plus pour accomplir le bien, écrit Daisaku Ikeda. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous ancrer solidement dans la réalité, d’attaquer à bras-le-corps les problèmes difficiles, de faire d’inlassables efforts et de nous forger dans les hauts-fourneaux de l’âme. »2

Dans ce processus consistant à surmonter les obstacles et les fonctions négatives, nous devenons les protagonistes de l’histoire victorieuse de notre vie.


Traduit de l'anglais The Three Obstacles and Four Devils, SGI Quaterly, avril 2012.


Notes

  • 1. Voir dans le dictionnaire en ligne : cinq agrégats.
  • 2. Daisaku Ikeda, Proposition pour la paix 2010, D&E-mai 2010, p. 14.
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