Invictus, film américain réalisé par Clint Eastwood, sorti en 2009. [DR]

Comment une équipe de rugby pourrait-elle participer à la construction d’un peuple arc-en-ciel ? Dans le film Invictus1, de Clint Eastwood, on retrouve Nelson Mandela, élu président d’Afrique du Sud en 1994, et son combat pour la réconciliation nationale de son pays.

Morgan Freeman incarne Nelson Mandela, et personne d’autre que lui n’aurait pu le rendre aussi réel. L’acteur est aussi l’instigateur. En 2008, il découvre le livre de John Carlin, Déjouer l’ennemi: Nelson Mandela et le jeu qui a sauvé une nation2. Il en achète les droits et propose à Clint Eastwood de faire un film sur les actions judicieuses que Mandela met en oeuvre pour soutenir l’équipe nationale de rugby contre la Nouvelle-Zélande, lors de la Coupe du Monde en 1995.

Réconcilier le pays

Nelson Mandela, condamné à perpétuité en 1963 pour trahison et complot contre le gouvernement, est relâché le 11 février 1990, après vingt-sept ans de prison. Contre toute attente, il soutient la réconciliation et la négociation avec le gouvernement du président Frederik de Klerk. Il veut à tout prix sensibiliser ses proches à la non-violence et à la lutte contre les pulsions destructrices qui peuvent dominer le coeur d’une personne. Dans une scène du film, il demande à ses gardes du corps noirs de former une seule et même équipe avec les hommes de l’ancien président de Klerk. Face à sa garde réfractaire, il déclare : « La nation arc-en-ciel, ça commence ici ! » La cohésion se construit... mais reste celle du pays tout entier.

Pour y travailler, Mandela va utiliser la Coupe du Monde de rugby et soutenir l’équipe nationale, les Springboks3. Pour lui, ce sport populaire doit incarner la cohésion d’une nation, mais cette équipe, rejetée par la majorité du peuple, est incapable de déployer tout son potentiel. Le combat va être rude. Les Springboks symbolisent le pouvoir blanc, celui des Afrikaners, détestés par les Noirs. Pour briser le mur, Mandela décide de rencontrer le capitaine de l’équipe nationale, François Pienaar, incarné par Matt Damon. « Quelles sont pour vous les qualités d’un leader ? », lui demande Mandela avant de lui lancer un défi : l’équipe des Springboks doit devenir championne du monde.

Rapprocher les uns des autres

Le capitaine quitte cet entretien bouleversé. Mandela vient d’élargir sa conscience et d’éclairer sa responsa bilité en tant que capitaine pour toute son équipe, autant que pour toute la nation sud-africaine.

Mandela continue dans sa lancée pour rapprocher encore les uns des autres. Il demande aux joueurs de rugby de rencontrer les jeunes passionnés de ce sport dans un township. Ils ne peuvent refuser, ni cette invitation ni celle qui leur est faite pour découvrir Robben Island, là où Mandela fut incarcéré pendant dix-huit ans (de 1964 à 1982). Visite de sa cellule. En fond sonore, sur des images qui le montrent en tenue de prisonnier, une phrase du poème Invictus de William Ernest Henley résonne : « I am the master of my fate, I am the captain of my soul » (Je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme). Les rugbymen sont attentifs et émus. C’est peut-être là qu’ils décident de devenir l’étendard d’une nation tout entière.

La persévérance de Nelson Mandela va payer : en cette année 1995, les Springboks sont sacrés champions du monde.

Tiré de Mandela, l’invaincu, Troisième Civ n°586, juin 2010, p.19.

Invictus, poème préféré de Nelson Mandela
Invictus signifie « invaincu, dont on ne triomphe pas, invincible ». Son auteur, l'écrivain britannique William Ernest Henley (1840-1903), l'écrit en 1875 sur son lit d'hôpital, suite à une amputation du pied. Il dit lui-même que ce poème était une démonstration de sa résistance à la douleur consécutive à l'amputation. A l'origine, ce poème ne possède pas de titre. Il est ajouté par l'écrivain britannique Arthur Quiller-Couch, en 1900.

Dans la nuit qui m'environne,
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Je loue les dieux qui me donnent
Une âme, à la fois noble et fière.

Prisonnier de ma situation,
Je n'ai pas gémi ni pleuré.
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout bien que blessé.

En ce lieu d'opprobres et de pleurs,
je ne vois qu'horreur et ombres
Les années s'annonce sombres
Mais je ne connaîtrai pas la peur.

Aussi étroit soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse, et qu'on me blâme
Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme.

Notes

  • 1. Sortie du DVD en mai 2010.
  • 2. Alterre Editions.
  • 3. « Springboks » signifie antilope sauteuse, en néerlandais.

En poursuivant sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies à des fins de navigation, de statistiques de visites, et autres fonctionnalités. En savoir +