Rien ne peut autant toucher notre vie qu’un dialogue de cœur à cœur. Le dialogue met notre être en mouvement, il nous permet de nous renouveler, d’élargir notre horizon, de nous inspirer à vivre une vie créative. Nous y cultivons notre relation à l’autre et y exprimons pleinement qui nous sommes.
Daisaku Ikeda écrit à ce sujet : « Un dialogue de cœur à cœur mène à une réelle compréhension, et cet échange de vie à vie aide chaque personne à faire surgir un énorme potentiel. »1
Pour autant, mener un échange véritablement constructif et sincère représente souvent un défi. Echanger de manière superficielle est facile, mais s’engager dans un dialogue de fond demande du courage : le courage de dépasser nos a priori et nos peurs, le courage de faire confiance et de nous exprimer de façon authentique.
Le courage d’ouvrir son cœur
À l’inverse, l’absence de dialogue enferme chacun dans les préjugés, les non-dits et la méfiance réciproque. Si l’on veut dépasser ces apparences et entrer dans une véritable communication de cœur à cœur, il nous faut « briser la glace » et parler franchement, avec toute notre sincérité. Ce premier pas courageux est à même d’éveiller la confiance, et permet au dialogue de s’instaurer pour le bénéfice de tous.
Fondamentalement, c’est dans notre compassion à l’égard de l’autre, dans notre désir de lui offrir une parole sincère, que nous trouvons la force de franchir la barrière de nos propres peurs et préjugés. Tout dépend donc de notre détermination intérieure à comprendre notre interlocuteur et à lui communiquer quelque chose d’important pour lui. Daisaku Ikeda développe ce point lorsqu’il écrit : « [M. Toda a dit :] “Engager activement le dialogue avec les autres est un combat qui exige que nous donnions toute la mesure de notre personnalité et de notre intégrité, c’est la seule façon de bâtir des liens de confiance authentique.” Quand nous donnons le meilleur de nous-mêmes lors de nos rencontres avec les autres, il naît quelque chose de nouveau, l’histoire change, et des amitiés profondes se forment. »2
L’intelligence collective à l’œuvre
Lorsque chacun s’exprime de façon sincère, le dialogue devient un merveilleux processus créatif, une alchimie collective dans laquelle les différents points de vue forment un ensemble harmonieux et dynamique. Il en émerge alors des idées neuves, des aspirations communes, un consensus. Et les liens entre les personnes se renforcent.
Le Dr Sitiveni Halapua, directeur du programme de développement des îles pacifiques, au centre East-West d’Hawaii, a mis ce principe en application. Il a mené avec succès de nombreuses réformes sociales et économiques en utilisant une forme de dialogue traditionnelle appelée Talanoa. Par exemple, sur l’île de Cook, le Talanoa a permis de concerter les différents acteurs économiques et d’élaborer un modèle de développement économique profitable à tous.
Ce type d’expérience lui permet aujourd’hui de mesurer toute la valeur d’un échange basé sur l’authenticité : « Le Talanoa vise fondamentalement à renforcer les liens qui non seulement nous connectent, mais aussi nous permettent de nous respecter et d’apprendre les uns des autres. La connaissance et la compréhension mutuelle qui en découlent permettent de réduire les tensions et, par conséquent, génèrent plus de stabilité et de complémentarité dans nos relations. »3
Ne pas avoir peur des désaccords
Bien entendu, une telle harmonie ne peut ni se forcer ni se faire au détriment des individualités. Le dialogue perdrait alors tout son sens et deviendrait totalement creux. Parler de façon authentique, avec ses propres mots et du fond de sa propre expérience, est la manière la plus généreuse et sincère de contribuer à l’échange. Cela implique aussi de pouvoir exprimer son désaccord, même si cela ne plaît pas !
Le dialogue nous pousse à développer une réelle indépendance d’esprit ainsi que la confiance en notre propre ressenti, le tout fondé sur de solides convictions. La capacité à nourrir un véritable dialogue va donc de pair avec une bonne confiance en soi. À l’inverse, le manque de confiance en soi nous fait courir le risque d’embrouiller la communication. On peut aussi tomber dans le piège de rechercher cette sécurité à travers une pensée stéréotypée toute faite, qu’on veut à son tour imposer à notre interlocuteur.
À ce titre, le deuxième des points pour le dialogue de l’institut Toda pour la paix est de « rechercher une base commune pour un consensus, mais éviter la “pensée de groupe” et reconnaître et honorer la diversité des points de vue ». La pensée de groupe appauvrit en effet le dialogue en donnant l’impression illusoire d’être tous d’accord.
Le Dr Halapua attire également l’attention sur le risque de consensus de façade : « Le Talanoa, on ne cherche pas systématiquement le consensus. L’issue n’est pas déterminée. Il faut d’abord faire confiance et respecter les personnes, alors seulement on peut arriver à une forme de résolution. »4
S’efforcer de dialoguer de manière authentique, c’est partir à la recherche de qui l’on est, découvrir ce que l’on pense vraiment — et permettre à l’autre de faire de même.
Tiré de Cap, n° 797, 11 mai 2009.
Notes
- 1. ↑ D. Ikeda, D&E-191, p. 86.
- 2. ↑ D. Ikeda, D&E-166, p. 75.
- 3. ↑ Dr S. Halapua, Talanoa process - The case of Fiji, traduction libre.
- 4. ↑ Dr S. Halapua, Talanoa : Talking from the heart, SGI Quartely, janvier 2007, traduction libre.
Le Talanoa, parler avec son cœur
Le Talanoa est une forme de consultation populaire que les peuples des îles pacifiques ont utilisé pendant des siècles pour résoudre les conflits, élaborer des projets et conduire leur société. Le Dr Halapua travaille à ressusciter cette tradition ancestrale. En polynésien, le mot Talanoa provient de deux racines signifiant « raconter son histoire » et « sans dissimulation ». Ainsi, Talanoa veut dire « dialoguer, c’est-à-dire se raconter mutuellement nos histoires, sans cacher les sentiments ou l’expérience intérieure qui résonne alors dans notre esprit et notre cœur ». Il s’agit d’une discussion dans laquelle les participants sont invités à parler de manière sincère. Le Talanoa est également ouvert, aucun programme n’est déterminé. Seul un médiateur est nécessaire pour retenir les points importants et les synthétiser.