Thème pour les réunions du mois de mai 2012. Pour les réunions de discussion du mois d’avril, nous vous proposons de dialoguer autour de la phrase ci-dessous, extraite des écrits de Nichiren Daishonin, du commentaire de Daisaku Ikeda, et de la table ronde qui suit.

Quand le bodhisattva Fukyo1 s’incline par respect devant les Quatre Sortes de croyants2, la nature de bouddha inhérente des Quatre Sortes de croyants d’une extrême arrogance s’incline en signe de respect devant le bodhisattva Fukyo. C’est comparable à une personne qui s’incline face à un miroir : l’image dans le miroir s’incline également.
Nichiren, OTT3, 135.

Commentaire de Daisaku Ikeda

« Personne n’est plus fort que celui ou celle qui récite courageusement Nam-myoho-renge-kyo, quintessence même des enseignements de Nichiren Daishonin. Rien n’est plus honorable ou ne nous rend plus autonome que de prier pour le bonheur des autres. Notre capacité à prier pour le bonheur des autres est en soi le reflet de l’état de bouddha.

Quand nous changeons, les personnes de notre entourage changent définitivement aussi. Les conversations que nous engageons pour partager la grandeur du bouddhisme de Nichiren forment des interactions infiniment profondes, qui éveillent avec éclat la nature de bouddha, dans notre propre vie et dans celle des autres. »4

Table ronde

Rumi. Parler aujourd’hui du bodhisattva Fukyo (Jamais-méprisant) est très important. Il nous montre l’attitude à adopter en tant qu’être humain, à l’heure où le respect de la dignité de la vie tend à se perdre.

Lorenz. Le réflexe que l’on peut avoir dans la société, aujourd’hui, c’est de se défendre quand on est attaqué. Quand j’ai commencé à pratiquer, l’exemple de Fukyo a attiré mon attention; je le trouvais un peu lâche et, en même temps, je sentais qu’il y avait chez lui une grande force. L’attitude de Fukyo équivaut à voir l’état de bouddha chez les autres, quelles que soient la personne et la situation. J’ai ensuite compris que son exemple faisait appel à une conscience de vie beaucoup plus profonde que celle qui nous fait réagir sur la base de l’animalité ou de la colère.

Finalement, le mental, les réactions émotionnelles apparaissent à des niveaux assez superficiels, alors que, quand on pratique le bouddhisme, on a accès directement à la 9e conscience : l’état de bouddha. Quand on est éveillé, on perçoit chez l’autre cet état, même si lui ne s’en rend pas compte. L’attitude de Fukyo peut paraître très simple, naïve même, dans des situations conflictuelles, alors que c’est celle d’un bouddha. C’est un exemple très difficile à suivre aujourd’hui.

Izumi. L’une des orientations du groupe des jeunes filles, Kayo, est de se forger un coeur invaincu. L’exemple de Fukyo qui, en effet, croit profondément que chacun est bouddha, peut nous y aider Il y a beaucoup de choses que nous avons du mal à croire, c’est pourquoi, peut-être, nous manquons de confiance, en nous et en les autres. Tout le monde peut prier pour le bonheur des autres, même si, au début, on n’y croit peut-être pas, ou peu. Grâce à la prière, on alimente notre croyance et on en arrive à se forger ce coeur invaincu.

Pascal. Ce qui me touche, c’est la grande bienveillance de Fukyo. Le respect profond des autres, c'est le respect de leur nature de bouddha. Fukyo s’indine devant cette nature de bouddha. Même si, en retour, elle ne se manifeste pas tout de suite, en termes de causalité, elle finira par le faire.

Je fais ici un lien avec ma vie quotidienne : je soutenais un ami de longue date qui se trouvait dans une passe difficile, m’efforçant de louer son état de bouddha, comme Fukyo. En retour, il ne « s’inclinait » pas forcément... Mais notre amitié s’est approfondie, et je l’ai invité en réunion de discussion. Il m’a dit : « Pascal, est-ce que je peux venir à nouveau en réunion de discussion ? Je n’ai pas envie de pratiquer, mais vous êtes vraiment supers ! Je me sens revitalisé après la réunion... Est-ce que je peux continuer à venir, même sans pratiquer ? » Et il est venu six fois. Au bout d’un moment, je lui ai dit : « Si tu veux, on pratique ensemble. » Il a dit « Ok ! ». Donc, il a appris à faire gongyo et, maintenant, lui et sa femme pratiquent. Au départ, il y a juste ma volonté de mettre en action, ne serait-ce qu’un peu, ce coeur du bodhisattva Fukyo.

Lorenz. Parfois, on ne voit pas immédiatement les résultats. Et je me dis que, le plus important, c’est le comportement, plus que le résultat immédiat. La personne qui a l’attitude la plus bienveillante est toujours gagnante.

Dans sa proposition pour la paix de 2011, Daisaku Ikeda évoque les défis majeurs pour la société mondiale qui « exigent l’engagement passionné et l’action de citoyens lucides, qui eux seuls peuvent faire émerger une nouvelle direction et un nouveau courant de l’Histoire. »5 On voit bien à quel point il croit fermement au pouvoir d’une seule personne qui, avec ce coeur de bodhisattva, peut contribuer au changement de l’ensemble de la société. L’attitude de Fukyo révèle un travail sur soi très important. Pas quelque chose du genre : « Je suis bouddhiste, donc je suis gentil avec tout le monde. »

Rumi. En février 2008, j’ai fait un voyage au Japon avec une dizaine de représentants européens. Le matin de la réunion mensuelle, on nous a annoncé que des fleurs seraient offertes à cinq femmes, représentantes de chaque continent. On m’a proposé de représenter l’Europe.

La réunion a débuté par la cérémonie « d’offrande des fleurs ». Nous avons été appelées, alors que nous n’étions pas du tout prêtes! (Rires) En fait, cette cérémonie se passait dans un coin, pas très visible. Personne ne regardait ! M. Ikeda a tout de suite compris que nous pouvions en être affectées. Il a demandé à la jeune fille représentant l’Amérique de revenir, afin de recommencer, cette fois, au milieu de la scène. La jeune femme était particulièrement touchée, elle avait certainement rencontré beaucoup d’obstacles pour venir au Japon. Conscient de son combat, Daisaku Ikeda l’a mise en lumière, aux yeux de tous. Chérir chaque personne, mettre en valeur chaque personne, c’est ça l’esprit de Fukyo.

Izumi. Plus jeune, j’ai pu le rencontrer à plusieurs reprises. Il s’inclinait profondément, même en face d’enfants. On sentait beaucoup de confiance et de respect, au-delà des mots. Je me suis dit : « Qu’est-ce que je peux faire en retour ? » Cette question me poursuit encore aujourd’hui... Dire « Bonjour » à ses voisins, sourire... C’est chacun de ces petits gestes, qui, comme le disait Rumi, forge en nous, au quotidien, ce coeur bienveillant du bodhisattva Fukyo.

Pascal. On n’imagine pas, c’est vrai, la force d’un sourire, d’une parole gentille... Il y a une dizaine d’années, alors que je sortais de chez moi, je tombe sur ma voisine d’en face, qui traversait un moment difficile dans son entreprise. Elle baisse sa vitre (elle était en voiture avec son mari), et je leur dis : « Je vous aime », avec une grande force et une grande spontanéité (j’avais bien pratiqué, ce matin-là !). C’est vraiment venu comme ça. Elle m’évoque régulièrement ce souvenir : « Pascal, je n’oublierai jamais ce matin où tu nous as dit : “Je vous aime !” » (Rires).

J’essaie d’avoir la même attitude, le matin, quand j’arrive au travail. Je vais vers les gens, et leur dis : « Bonjour ! », avec un large sourire. C’est assez étonnant parce que, depuis, certains viennent me voir.

J’en profite pour ajouter que les hommes du mouvement Soka ont décidé de mettre, cette année, l’accent sur la qualité de l’accueil dans nos réunions d’échanges.

Lorenz. Cela m’évoque l’attitude de Daisaku Ikeda qui, pendant la guerre froide, avait décidé de se rendre dans le monde communiste. Ses proches le lui déconseillaient ou ne comprenaient pas pourquoi il voulait le faire. En fait, il a simplement cette attitude de respecter chaque personne en tant qu’être humain. Un des aspects les plus révolutionnaires de cette pratique est de nous permettre de faire apparaître un état de vie solide, une grande liberté intérieure, de la joie, avant même d’avoir résolu nos problèmes. On trouve alors la force de se dire : « Ok, j’ai souffert, maintenant c’est fini. Maintenant, c’est moi qui décide. »

Jeune, on pratique souvent sans avoir beaucoup d’expérience, ni dans la vie ni dans la foi, et pourtant, on persévère. Cette énergie et cette passion de la jeunesse qui s’engage et qui va de l’avant sont le signe d’une grande maturité, d’autonomie et de liberté. Pas une liberté fondée sur l’absence de contraintes, il s’agit, au contraire, d’acquérir une liberté intérieure totale au coeur des épreuves et des difficultés.

Avec cet esprit, je pense qu’on peut être indestructible comme Fukyo et respecter tout le monde, même ceux qui ne nous veulent pas forcément du bien. On peut naturellement aimer les autres, aimer l’humanité chez les autres et non pas être dans une posture : « Il faut que je les aime, parce que je suis bouddhiste... »

Rumi. Je voudrais illustrer cette idée de changement intérieur par une expérience. Suite à une mutation de mon mari, nous nous sommes installés au centre bouddhique de Trets, en 1988. J’ai vécu une année très difficile. À Tokyo, puis à Paris, j’étais entourée de nombreux pratiquants... Et tout d’un coup, je me retrouve dans un endroit totalement isolé !

Je lui répétais : « Je suis malheureuse à cause de toi ! » (Rires). Et tout le monde me disait : « Tu as de la chance de vivre ici ! », et je pensais : « Mais pas du tout ! » Cependant, j’ai continué à pratiquer et à participer à des activités bouddhiques. Et, un jour, j’ai décidé : « Demain ne sera pas comme aujourd’hui. Si je ne me donne pas, dorénavant, à 100% à chaque instant, je le regretterai toute ma vie. » J’ai alors fait tout ce qu’il m’était possible de faire, là où je me trouvais, sans que personne ne me le demande, et décidé d’accueillir les participants aux séminaires bouddhiques avec l’esprit du bodhisattva Fukyo.

En 1991, nous avons reçu Daisaku Ikeda à Trets, et j’étais vraiment contente, car quelque chose avait changé dans ma vie. Je vivais chaque instant pleinement et j’étais prête à rester toute ma vie dans la région : j’avais gagné sur moi-même.

Pour changer l’environnement, la façon dont nous le percevons, il faut effectivement commencer par changer notre esprit, notre attitude intérieure.


Notes

  • 1. Le bodhisattva Fukyo apparaît dans le 20e chapitre du Sûtra du Lotus. Il est connu pour marquer son respect envers tous les êtres qu’il rencontrait, en prononçant des paroles élogieuses, et ce quelles que soient les perséculions subies en retour.
  • 2. Quatre Sortes de croyants: moines, nonnes et laïcs hommes et femmes.
  • 3. OTT : The Record of the Orally Transmitted Teachings (Recueil des enseignements oraux de Nichiren Daishonin, non traduit en français).
  • 4. Texte extrait du Seikyo Shimbun, quotidien affilié au mouvement bouddhiste Soka au Japon, paru le 21 juin 2011.
  • 5. D&E-mai 2011, 20.
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