La véritable entité de tous les phénomènes (jap.: shohô jissô) désigne la Loi, ou réalité ultime, qui imprègne tous les phénomènes, et qui, à la fois, n’est en aucune façon distincte d’eux.
Révélé dans le 2e chapitre, « Des moyens », c’est l’un des principes centraux de l’enseignement théorique (première moitié) du Sûtra du Lotus. Il fonde la doctrine des Trois mille mondes en un instant de vie (ichinen sanzen) élaborée par le grand maître Tiantai.
Le principe de la réalité ultime de tous les phénomènes représente le contenu de l’illumination du Bouddha, incommensurable, inconcevable, et qu’il décrit cependant à travers dix aspects, appelés les Dix modalités d’expression de la vie. C'est le passage que les croyants du bouddhisme de Nichiren récitent durant leur pratique biquotidienne de Gongyo :
La réalité ultime de tous les phénomènes ne peut être comprise et partagée que par des bouddhas. Cette réalité consiste en l’apparence, la nature, l’entité, le pouvoir, l’influence, la cause inhérente, la relation, l’effet latent, l’effet manifeste, et leur cohérence du début jusqu’à la fin.
Les Dix modalités de la vie
Ces dix modalités décrivent le fonctionnement de tout phénomène, de toute vie :
- 1. L’apparence (nyoze so) désigne l’aspect perceptible, le corps et la forme des choses.
- 2. La nature (nyoze sho) indique les dispositions ou qualités inhérentes qui ne peuvent être perçues directement de l’extérieur.
- 3. L’entité (nyoze tai) est la réalité individuelle ou l’essence de la vie qui pénètre et intègre l’apparence et la nature interne.
- 4. Le pouvoir (nyoze riki) est la force ou l’énergie potentielle inhérente à la vie.
- 5. L’influence (nyoze sa) est l’énergie manifestée, le mouvement ou l’action produits lorsqu’une potentialité latente est activée.
- 6. La cause interne (nyoze in) est la cause latente directe de changement, inhérente à la vie, qui produit un effet particulier, bon, mauvais ou neutre.
- 7. La relation, ou cause externe (nyoze en) est la cause secondaire ou le stimulus extérieur qui aide une cause interne à produire son effet, à savoir le changement intérieur et extérieur.
- 8. L'effet latent (nyoze ka) désigne l’effet direct produit dans les profondeurs de la vie quand une cause interne est activée par une cause externe.
- 9. L’effet manifeste (nyoze ho) indique le résultat concret perceptible qui apparaît comme conséquence d’une cause interne et d’un effet latent.
- 10. La cohérence du début jusqu’à la fin (nyoze honmatsu kukyoto) implique que les neuf modalités précédentes, de l’apparence jusqu’à l’effet manifeste, constituent un tout cohérent selon l’état de vie. La même cohérence se manifeste dans l’état d’enfer aussi bien que dans l’état de bouddha. Autrement dit, tous les êtres des dix états possèdent la structure commune des Dix modalités d’expression de la vie. Mais chaque modalité est caractérisée par l’état de vie de la personne.
Le monde de l'égalité de toute vie
Dans l'expression “la réalité ultime de tous les phénomènes”, “tous les phénomènes” désigne toute chose, tout ce qui se manifeste dans le monde réel. En particulier, toute vie, dans n’importe lequel des dix états de vie, ainsi que son environnement, sans exception.
Quant à la “véritable entité”, cela désigne la réalité ultime qui englobe tous les phénomènes de l’univers. On peut l’assimiler à la vie cosmique. Celle-ci n’est pas éloignée du monde que nous connaissons, ni en dehors des phénomènes concrets. Concevoir la vie à la lumière du principe de “la réalité ultime de tous les phénomènes”, c’est comprendre que toutes les formes de vie dans les Dix États, et les lieux dans lesquels elles résident, sont fondamentalement des manifestations de la véritable entité.
Ce principe, bien que théorique, élucide la possibilité pour tous les êtres humains d’atteindre la bouddhéité, car il implique que l’état de bouddha existe de façon égale chez tous les êtres vivants dotés des Dix États. L’identité première des êtres vivants (shohô) est la Loi merveilleuse qui, elle-même, est la véritable entité (jissô) de la vie. S’éveiller à cette identité première est, en soi, l’atteinte de la bouddhéité.
Un principe pour transformer le réel
Nichiren Daishonin fut le premier à identifier la réalité ultime de tous les phénomènes à Myôhô Renge Kyô, la Loi que décrit le Sûtra du Lotus. Dans son traité, La véritable entité de la vie, il écrit :
… tous les êtres et leur environnement [tous les phénomènes] dans chacun des Dix États – du plus bas, l’état d’enfer, au plus élevé, l’état de bouddha – sont tous sans exception, les manifestations de Myôhô Renge Kyô [la véritable entité].
(L&T-I, 97)
Nichiren a révélé et a donné accès à cette Loi mystique en établissant la pratique de la récitation de Nam-myoho-renge-kyo et il l’a matérialisée sous la forme d’un objet de culte, le Gohonzon. Ainsi concrétisé, la “réalité ultime de tous les phénomènes” est un principe permettant la transformation du monde réel.
Daisaku Ikeda écrit à ce propos : « Le Bouddha a la détermination de ne jamais s'écarter du monde réel, celui de tous les phénomènes. En même temps, il ne s'arrête pas uniquement à l'apparence superficielle du monde réel, mais, au contraire, saisit la vérité suprême qu'il recèle, et l'enseigne aux autres afin qu'ils puissent la comprendre et fonder leur propre vie sur cette compréhension. C'est en cela que consiste la sagesse du bouddhisme.
Les termes “véritable aspect de tous les phénomènes” expriment à la fois la recherche concrète de la réalité, et la sagesse qui permet d'aller au-delà des aspects visibles, deux attitudes caractéristiques du bouddhisme. »1
Note
- 1. ↑ La Sagesse du Sûtra du Lotus, ACEP, vol. 1, p. 179.
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