Tout change, rien ne demeure constant. C’est l’une des vérités à la fois simple et profonde du bouddhisme, dont les implications pratiques peuvent nous aider à aborder la vie avec sagesse et un espoir illimité.
Le concept « d’existence temporaire » (jap.: ké) décrit l’aspect éphémère et dynamique de tous les phénomènes. Il explique que, bien que toutes choses soient non-substantielles par nature (jap.: kû), elles se manifestent de façon tangible sous une forme transitoire et perpétuellement changeante.
La danse cosmique des phénomènes
Cette perception de l’aspect dynamique de toutes choses rejoint les observations de la science moderne. Les cellules de notre organisme se renouvellent constamment, les espèces vivantes évoluent génération après génération et les étoiles naissent et meurent sur des échelles de temps incommensurables. Il se peut même que l’univers, dans son ensemble, traverse des cycles d’activité et de latence.1 Dans notre monde subjectif également, émotions, pensées et impressions se succèdent dans notre esprit en un flux perpétuel.
Ainsi, tout ce qui existe – des plus infimes particules subatomiques, jusqu’aux galaxies, en passant par les phénomènes psychologiques – semble se mouvoir dans une danse cosmique infinie, apparaissant et disparaissant au gré d’interactions complexes…
Tous ces changements se manifestent dans un jeu de relations d’étroite interdépendance (jap.: engi) les uns avec les autres. Comme l’explique Daisaku Ikeda : « Malgré son impermanence, la vie est magnifiquement harmonieuse. Les molécules et les atomes (…) se combinent en des composés toujours plus complexes jusqu’à devenir les gènes qui déterminent la personnalité des êtres humains. Un seul être humain a paraît-il quelque cinq milliards de gènes renfermant l’information nécessaire à son existence individuelle. Grâce à ceux-ci, nos corps deviennent des complexes d’une précision merveilleuse ; nous possédons une conscience et nous connaissons le bonheur, la colère et tant d’autres émotions. Une certaine configuration et interaction de milliards de particules détermine comment nous vivons et comment nous réagissons à notre environnement. (…) La terre est un super-organisme et le cosmos, avec ses mouvements rythmiques incessants est l’organisme suprême, qui donne vie à tout ce qu’il renferme grâce à ses fusions harmonieuses infinies. »2
La vie, un agrégat temporaire
Ce jeu dynamique d’éléments se combinant et se recombinant sans cesse pour former une variété de formes vivantes peut également s’observer à l’échelle d’une vie individuelle. Ainsi, le bouddhisme explique que tous les phénomènes qui constituent notre vie sont produits par l’interaction de cinq composants (parfois appelés agrégats). Ce sont, en quelques sortes, des fonctions élémentaires qui s’unissent temporairement pour former une entité de vie individuelle et lui permettre de fonctionner. Ces cinq composants sont :
- La forme : l’aspect physique, le corps et toutes ses fonctions organiques.
Les quatre composants suivants concernent les formations mentales.
- La perception : fonction de recevoir des informations venues de l’extérieur aussi bien que de l’intérieur, à travers les six racines des sens (vue, ouïe, odorat, goût, toucher et esprit qui intègre les impressions des cinq sens).
- La conception : fonction qui crée des représentations mentales ou idées à partir de ce qui a été perçu.
- La volition : ce qui agit sur la conception et motive une action en relation à ce qui a été perçu.
- La conscience : fonction permettant de reconnaître, d'identifier et de discerner les phénomènes.
En résumé, ces cinq composants constituent ensemble le corps et l’esprit des êtres humains, et le fonctionnement en est différent selon leur état de vie. Ils peuvent constituer tantôt des éléments qui produisent l’illusion et la souffrance, tantôt des éléments qui permettent d’agir avec sagesse et bienveillance.
Toute forme de vie se maintient par l'union et l’interaction des cinq composants. Au moment de la mort, ils se séparent, et le fonctionnement, ou activité vitale, de l’entité individuelle cesse alors : c’est l’entrée dans la phase de latence. Par la suite, cette entité de vie formera à nouveau une combinaison de cinq composants, entamant ainsi un nouveau cycle d’existence.
Un espoir irréductible
Ainsi, la vie suit un cycle, à travers l’union, l’activité, puis la séparation des cinq composants. On discerne ainsi quatre phases par lesquelles passe tout phénomène, incluant les êtres vivants : l’apparition, le développement, le déclin et la latence. Pour les êtres humains ces quatre phases donnent lieu aux Quatre souffrances universelles que sont la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort.
Le point de départ du bouddhisme réside dans la conscience aigüe des Quatre souffrances, toutes étroitement liées au caractère fragile et éphémère de l’existence. Nichiren Daishonin écrit par exemple :
La vie est aussi fugace qu'un rêve, personne ne sait s'il sera encore en vie demain.
Mise en garde contre l'attachement à son domaine (L&T-IV, 323)
Cette conscience est caractéristique de la pensée bouddhiste. En orient, elle en est venue à prendre la teinte d’une nostalgie, voire d’un certain fatalisme, devant l’inéluctabilité de la disparition de toute chose.3 Toutefois, sans pour autant rejeter ce genre de sentiments tout à fait naturels, ce n’est pas là l’état d’esprit que cherche à cultiver le bouddhisme. Comme l'observe Daisaku Ikeda :
« Maintes personnes paraissent penser que si toute vie est transitoire, nous n’avons d’autre choix que de nous résigner à accepter la nature fugitive de la vie. (…) En fait, la clé du véritable bonheur consiste à prendre conscience de la nature sans cesse mouvante de tout, car ainsi vous saurez qu’une situation aussi négative soit-elle est appelée à se modifier. Aucun malheur n’est permanent, aucune difficulté, insurmontable. »4
Cette notion d’espoir irréductible est la marque du bouddhisme de Nichiren.
Ceux qui croient dans le Sûtra du Lotus vivent comme en hiver, mais l'hiver se transforme toujours en printemps. Jamais, depuis les temps anciens, personne n'a vu ni entendu dire que l'hiver s’était transformé en automne. De même, jamais nous n'avons entendu parler d'un croyant du Sûtra du Lotus qui se soit transformé en être ordinaire.
L'hiver se transforme toujours en printemps (Écrits, 539)
Ainsi, le bouddhisme de Nichiren appréhende la nature dynamique de la vie de façon positive, comme la possibilité, intacte quelle que soit la situation, de progresser, de s’améliorer, de se renouveler à chaque instant. Ce principe nous incite, non pas à la résignation, mais à un espoir débordant, le regard tourné résolument vers l’avenir, forts de la conviction que tout dépend de nous-mêmes, que tout commence ici et maintenant.
Notes
- 1. ↑ Il s’agit du modèle cosmologique dit « cyclique » de l’univers. Voir l’article wikipedia correspondant.
- 2. ↑ D. Ikeda, La vie à la lumière du bouddhisme, Ed. du Rocher 2003, p. 75.
- 3. ↑ Par exemple, dans le Japon de l'époque d’Edo (1603-1868), l'art populaire des estampes sur bois ukiyo-e (« image du monde flottant ») s'attache à rendre compte de la réalité d'un monde où la seule chose certaine est l'impermanence.
- 4. ↑ D. Ikeda, La vie à la lumière du bouddhisme, Ed. du Rocher 2003, p. 71-72.
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