Le Siège des Nations unies, New York, USA. [Photo Tomas Eidsvold /Unsplash]

Créée au sortir de l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, le 24 octobre 1945, l'Organisation des Nations unies (ONU) est un forum mondial permettant le règlement pacifique des différends entre Nations du monde, ainsi que le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Où en est-on aujourd'hui ?

Dans une récente tribune1 publiée à l'occasion du 78e anniversaire de l'ONU, l'ancien président du Conseil de sécurité des Nations unies, Anwarul K. Chowdhury, fait le point sur cette question.

M. Chowdhury commence par souligner l'importante contribution positive de l'ONU à la vie de millions de personnes sur la planète (voir encadré). Et, citant Daisaku Ikeda, il fait l'éloge de cette institution comme d'une indispensable maison commune de la famille humaine et d'un “Parlement du monde”.

Cependant, M. Chowdhury poursuit en appuyant sur la nécessité urgente de revisiter le fonctionnement de l'ONU, sous peine de voir cette organisation perdre toute crédibilité. Ses propos rejoignent ceux de Daisaku Ikeda, qui exprimait la même préoccupation dans sa proposition spéciale pour la réforme des Nations unies2, en 2006, qui met en avant les points suivants.


1. Une institution certes imparfaite, mais indispensable

Selon Daisaku Ikeda, le principal obstacle auquel l'ONU est confronté provient des intérêts nationaux contradictoires de ses Etats membres. Trouver un accord en vue d'une action commune pour la paix relève alors de la gageure. Ce manque d'efficacité opérationnelle, voire cette impuissance, engendre déceptions et critiques.

On peut ajouter à cela que le droit de véto accordé aux membres du Conseil de sécurité sape les bases d'un accord démocratique voté à la majorité et c'est pourquoi Anwarul K. Chowdhury plaide depuis de nombreuses années pour son abolition.

Malgré tout, Daisaku Ikeda soutient que l'ONU reste essentielle pour résoudre les problèmes mondiaux, soulignant sa valeur en tant qu'instance indispensable en vue de coordonner des actions internationales pour la paix.

À certains égards, l’ONU n’a pas réussi à suivre le rythme des réalités changeantes de notre époque, et il reste certainement de nombreux obstacles et critiques majeurs qu’elle n’a pas encore surmontés.
Néanmoins, tant qu’il y aura des gens dans ce monde qui souffriront, qui vivront sous des menaces et des crises, nous ne pourrons absolument pas nous permettre de négliger la grande valeur et la grande mission de l’ONU.
Avec 192 États membres, l’ONU est le forum le plus universel disponible ; l’ONU est seule capable de promouvoir la coopération internationale et de conférer une légitimité à de tels efforts et actions. C’est pourquoi je crois qu’il n’y a pas d’autre solution réaliste que d’apporter un soutien efficace à l’ONU et d’œuvrer à sa revitalisation. Nous devons partir de la reconnaissance que l’ONU a, [durant de nombreuses décennies], fourni une aide humanitaire aux régions dans le besoin et a agi comme un forum de dialogue mondial où un consensus international a pu être atteint sur des questions importantes.


2. Sortir de la “culture de guerre”

Daisaku Ikeda souligne ensuite l'importance du dialogue comme moyen de surmonter les crises et les conflits mondiaux. A cet égard, l'ONU représente un véritable forum de dialogue des peuples, à l'échelle planétaire. Son importance peut difficilement être sous-estimée, en particulier à notre époque de mondialisation qui voit s'intensifier les divisions et les conflits internationaux complexes, entre acteurs dotés de capacités de destruction de plus en plus puissantes - dont, au premier plan, l'arme nucléaire.

Daisaku Ikeda appelle donc à démanteler cette “culture de guerre”, qui justifie la violence pour atteindre ses objectifs, au profit du dialogue.

Y a-t-il, pour parvenir à la paix, d'autre alternative que le dialogue ?

Sans dialogue, le monde continuera de trébucher dans la confusion des ténèbres et de la division. (...) Le processus continu de dialogue favorise l’éthos de coexistence et de tolérance qu’exige notre époque. J'ai la ferme conviction que cela donnera naissance à une “culture de paix” dont l'avènement représente une transition cruciale dans l'histoire de l'humanité. (...)
Les processus avancés de mondialisation à travers le monde se sont accompagnés de divisions et de conflits de plus en plus profonds, tant au sein des sociétés qu’entre elles. Nous constatons autour de nous une “culture de guerre” qui justifie le recours à la guerre et aux moyens violents pour atteindre les objectifs souhaités.
Il est absolument vital de démanteler cette culture de guerre. Nous devons recourir au dialogue pour avancer résolument vers la création d’une société mondiale véritablement pacifique, dans laquelle règne un véritable respect des différences de position et de points de vue et où existe un respect partagé pour la dignité humaine de tous.
Je souhaite une fois de plus insister pour que l'ONU joue un rôle central dans le grand projet de construction d'une civilisation imprégnée de l'esprit de dialogue.


3. Répondre à l'espoir des peuples

Les déceptions exprimées à l'égard de l'ONU sont à la mesure de l'espoir suscité par cette organisation, chez les peuples qui souffrent de guerres et de crises.

Evoquant le souvenir de sa première visite au siège de l'ONU à New York en 1960, pendant la 15e Assemblée générale, Daisaku Ikeda se souvient particulièrement de l'énergie et de la passion des représentants des États africains nouvellement entrés à l'ONU. Dix-sept pays, dont le Cameroun, le Togo et Madagascar, participaient à cette Assemblée générale.

A travers cette anecdote, Daisaku Ikeda transmet l'inspiration profonde qu'il a trouvée dans cette assemblée des peuples. L'expression d'un tel espoir dans un monde meilleur l'a marqué et l'a porté dans son combat pour la paix.

En voyageant dans différentes parties du monde, j'ai souvent ressenti les grands espoirs et attentes des gens à l'égard de l'ONU. Mes efforts pour engager un dialogue avec les dirigeants politiques, intellectuels et culturels du monde entier découlent de ce désir d'élargir le réseau de personnes partageant les mêmes idées, pensant au-delà des différences nationales, ethniques et religieuses, engagées à soutenir l'ONU.


4. Coordonner et canaliser positivement les rivalités

Notre monde est confronté à une série de défis complexes qui ne s'arrêtent en rien aux frontières nationales - le terrorisme, les conflits armés, la pauvreté, la dégradation de l'environnement, la faim et la maladie, etc. Ces enjeux globaux demandent que les pays s'unissent autour de buts communs et coordonnent leur efforts. C'est là que l'ONU a un rôle clé à jouer.

Afin de stimuler une telle dynamique de coopération internationale, Daisaku Ikeda met en avant le concept de “compétition humanitaire”, emprunté à Tsunesaburo Makiguchi, premier président fondateur de la Soka Gakkai. C'est l'idée selon laquelle, au fur et à mesure de leur développement historique, les pays peuvent et doivent canaliser leur instinct de compétition vers des formes de plus en plus pacifiques : le commerce, la culture, pour atteindre finalement une compétition visant des objectifs humanistes. En bref, une émulation saine, bénéficiant à toutes les parties.

L'ONU est l'instance toute désignée pour prendre en charge cette mission de coordination et de canalisation de la rivalité entre Etats.

Il est essentiel que l’ONU concentre et coordonne efficacement les capacités des États individuels et évite qu’elles ne se diluent ou ne se dispersent. On pourrait dire que le succès des efforts visant à faire de l’organisation internationale – le bien commun de l’humanité – un organisme pleinement et véritablement dédié aux peuples du monde, dépend de ce processus.
Chaque État désire naturellement occuper une position honorable en tant que membre respecté de la communauté internationale. Exploiter ce potentiel et canaliser les énergies compétitives, non pas vers la violence, mais vers des objectifs humanitaires – c’est là, je crois, la mission de l’ONU en tant que centre focal de la compétition humanitaire. C’est la voie à suivre au XXIe siècle.


Les citations de Daisaku Ikeda sont tirées de la proposition spéciale pour la réforme des Nations unies, Fulfilling the Mission: Empowering the UN to Live Up to the World's Expectations, publiée le 30 août 2006 (traduction provisoire).

L'essentiel de l'ONU

• Selon l'article 1 de sa Charte, l'ONU se donne quatre objectifs :

  1. Maintenir la paix et la sécurité dans le monde
  2. Développer les relations amicales entre les nations
  3. Réaliser la coopération internationale sur tous les sujets où elle peut être utile et en encourageant le respect des droits de l'homme
  4. Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations dans des objectifs communs.

• L'action de l'ONU couvre cinq grands domaines :

  1. Maintien de la paix et de la sécurité internationales
  2. Protection des droits humains
  3. Aide humanitaire
  4. Promotion du développement durable
  5. Garantie du droit international

Source : site de l'ONU

Quelques exemples des contributions de l'ONU depuis sa création

  • Maintien de la paix : 69 missions de maintien de la paix et d’observation déployées dans les points chauds du globe
  • Rétablissement de la paix : appui diplomatique à des tierces parties et autres formes d’action préventive
  • Lutte contre la prolifération nucléaire : l'Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) envoie ses experts partout dans le monde pour inspecter des sites nucléaires et vérifier que les matières nucléaires soumises à garanties sont utilisées à des fins pacifiques.
  • Déminage : missions de déminage dans quelque 30 pays et territoires en faveur des populations civiles
  • Lutte contre le terrorisme : coordination de l’action des États Membres contre le terrorisme
  • Promotion du développement économique
  • Mobilisation universelle en faveur des enfants : à travers l'action de l'UNICEF
  • Développement social : programmes d'alphabétisation et d'éducation
  • Conservation de sites historiques, culturels, architecturaux et naturels à travers l'action de l'UNESCO
  • Echanges universitaires et culturels
  • Promotion des droits humains
  • Promotion d’un travail décent à travers l'action de l’Organisation internationale du Travail (OIT)
  • Promotion de la liberté de la presse et de la liberté d’expression
  • Protection de l'environnement
  • Droit international : poursuite des criminels de guerre à la Cour pénale internationale (CPI) et renforcement du droit international à travers la signature de plus de 560 traités multilatéraux
  • Lutte contre la criminalité internationale
  • Aide humanitaire aux réfugiés à travers l'action de l'UNHCR
  • Fourniture de vivres aux plus défavorisés à travers le Programme alimentaire mondial (PAM)
  • Promotion de la santé à travers l'action de l'OMS : lutte contre le VIH/Sida, élimination de la polio et la variole, lutte contre les maladies tropicales négligées
  • Etc...

Source : 60 réalisations de l'ONU qui ont changé le monde


Notes

  • 1. The UN's 78th Birthday: Revisiting the Operational Credibility of the United Nations, par Anwarul K. Chowdhury. Tribune publiée le 30 octobre 2023 sur le site Global Issues (en anglais)
  • 2. Fulfilling the Mission: Empowering the UN to Live Up to the World's Expectations, proposition spéciale pour la réforme des Nations unies, publiée le 30 août 2006. Lire le texte intégral ici.
Ajouter un Commentaire


 
En poursuivant sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies à des fins de navigation, de statistiques de visites, et autres fonctionnalités. En savoir +