
Figure importante de l’histoire de l’art au XXe siècle, René Huyghe (1906-1997) a consacré sa vie à comprendre les liens entre art, culture et spiritualité. Conservateur du Louvre, professeur au Collège de France et académicien, il a marqué la pensée esthétique moderne par son approche à la fois rigoureuse et profondément humaniste.
René Huyghe est très tôt attiré par la littérature, la philosophie et l’esthétique. Il poursuit des études de lettres et d’histoire de l’art avant d’intégrer l’École du Louvre. En 1927, il réussit le concours des musées nationaux et devient rapidement l’un des jeunes conservateurs les plus prometteurs de sa génération.
En 1930, il est nommé conservateur adjoint au département des Peintures du musée du Louvre, puis conservateur en chef en 1937.
Préserver les chefs-d'œuvre de l’humanité
Sa carrière prend une tournure particulière pendant la Seconde Guerre mondiale : en charge de la protection des collections, René Huyghe joue un rôle déterminant dans la sauvegarde du patrimoine artistique français. Il organise l’évacuation des œuvres dès 1939, alors que le musée est vidé pour protéger ses collections face à la menace de l’invasion.
Il participe ainsi à la planification minutieuse du transfert des chefs-d’œuvre – dont la Joconde, qu’il accompagne personnellement dans sa mise à l’abri – vers des châteaux et dépôts sécurisés à travers la France. Il veillera à leur protection durant toute l’Occupation, multipliant inspections et déplacements malgré les risques, tout en prenant part à la résistance dans l’état-major des groupes Veny. Son action permet de préserver les œuvres et d’empêcher qu’elles ne soient réquisitionnées par les autorités nazies.
Son engagement pendant la guerre est souvent cité comme un exemple remarquable de courage, de prévoyance et de dévouement au service du patrimoine.
Professeur et théoricien majeur
Parallèlement à sa carrière muséale, Huyghe enseigne l’histoire et la psychologie de l’art. En 1951, il est élu au Collège de France à la chaire de psychologie des arts plastiques, un domaine qu'il contribue largement à structurer. Son approche est novatrice pour l’époque : il s’intéresse à la fois au processus créatif, à la perception esthétique et au rôle culturel de l’art.
Son discours se distingue par une volonté constante de rendre l’art intelligible et accessible sans en réduire la profondeur. Pour lui, l’œuvre d’art est un « acte humain » qui engage l’esprit, la sensibilité, le savoir et la liberté intérieure.
Ses travaux couvrent l’histoire de la peinture, l’esthétique, la pédagogie de l’art, mais aussi des réflexions de grande envergure sur la spiritualité et la condition humaine. Parmi ses ouvrages les plus importants, Dialogue avec le visible, paru en 1955, dans lequel il développe une réflexion pionnière sur la perception, le rôle du regard, la psychologie du spectateur et la nature même de l’acte artistique. L’ouvrage rencontre un grand succès : réédité plusieurs fois, traduit, et utilisé aussi bien dans l’enseignement de l’histoire de l’art que dans les études de philosophie esthétique. Par ce seul livre, René Huyghe se place comme l’un des théoriciens majeurs de l’art du XXe siècle.
En 1960, il entre à l’Académie française, consacrant ainsi une carrière intellectuelle déjà considérable.
Un humaniste engagé dans le dialogue culturel
Au-delà de son travail d’historien de l’art, René Huyghe s’est engagé en faveur de la culture au niveau international. Dès les années 1950, il participe activement à l’UNESCO, où il contribue aux réflexions sur la protection du patrimoine mondial, l’éducation artistique et la circulation des connaissances. Il défend l’idée que la culture doit servir de passerelle entre les peuples.
Cet esprit d’ouverture trouve un écho particulier dans ses échanges avec des penseurs, des artistes et des responsables culturels de nombreux pays. Pour Huyghe, le dialogue n’est pas un exercice diplomatique, mais un moyen de tisser des liens entre des expériences humaines parfois éloignées. Son goût pour les comparaisons, les correspondances et les mises en perspective témoigne d’une volonté constante de sortir l’histoire de l’art de tout enfermement géographique ou idéologique.
C’est dans ce contexte que s’inscrit son amitié avec Daisaku Ikeda, qu’il rencontre en 1974, à l'occasion du transport exceptionnel de la Joconde, du Louvre au musée Fuji, à Tokyo. Leurs échanges se poursuivront jusqu'au décès de René Huyghe, en 1997.
A lire...
L'amitié entre René Huyghe et Daisaku Ikeda a donné lieu à un livre de dialogue : La nuit appelle l'aurore - Dialogue orient-occident sur la crise contemporaine (première édition : Flammarion, 1976) dans lequel les deux hommes comparent leurs traditions respectives, afin d'analyser les différentes strates de la crise contemporaine et de trouver ensemble des pistes de résolution. Ils partagent la même conviction que la culture et l’éducation peuvent contribuer à surmonter les divisions du monde.
La nuit appelle l'aurore, de René Huyghe et Daisaku Ikeda, Editions du Rocher, 2002 (édition la plus récente). Lire une présentation du livre
A voir...
Retrouvez la vidéo “Le défi de régénérer l'esprit humain - René Huyghe et Daisaku Ikeda” (11 mins), sous-titrée en français, sur le site daisakuikeda.org.
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