Les successeurs de Nichiren Daishonin

Nikkô Shonin (1246-1333), successeur direct de Nichiren Daishonin

Nikkô Shonin (1246-1333) [Domaine public /Wikimedia-CC]

Byakuren Ajari Nikkô – qui deviendra le second grand patriarche de la Nichiren Shoshu et fondateur de son temple principal, le Taiseki-ji – naît à Kajikazawa dans le district de Koma de la province de Kai. Son père meurt alors qu'il est enfant et sa mère se remarie dans une autre famille, aussi est-il élevé par son grand-père maternel.

Rencontre avec Nichiren

A sept ans, il entre au Shijûku-in, temple Tendai de la province de Sumga où, en plus de la doctrine Tendai, il étudie les classiques chinois, la littérature japonaise, la poésie, la calligraphie et diverses autres matières. Le Shijûku-in est étroitement lié au Jissô-ji, autre temple Tendai que Nichiren Daishonin visita en 1258 pour faire des recherches dans sa bibliothèque de sûtras afin d’écrire le Traité pour la paix dans le pays par l'établissement de la Loi correcte. Nikkô a l’occasion de l’y servir et éprouve le désir de devenir son disciple, recevant alors le nom de Hôki-bô Nikkô. Il a alors treize ans.

A partir de ce moment, il devient un disciple dévoué de Nichiren Daishonin. Il le rejoint dans son exil à Izu, où il convertit le moine du Shingon, Kongô-in Gyôman, qui prendra par la suite le nom de Nichigyô et rebaptisera son temple le Daijô-ji (temple Mahayana). Nikkô Shonin partage également l’exil de Nichiren Daishonin sur l’île de Sado. Après le retour de Nichiren Daishonin de Sado et sa troisième remontrance au gouvernement, ce dernier décide de quitter Kamakura. Nikkô arrange alors avec le seigneur Hakiri Sanenaga, intendant de la région du mont Minobu qu'il avait converti à l'enseignement de Nichiren, une retraite pour Nichiren Daishonin.

Efforts de transmission et persécution d'Atsuhara

Nikkô prend en note les cours sur le Sûtra du Lotus que donne Nichiren Daishonin à ses disciples à Minobu, et les compile dans le Recueil des enseignements oraux en janvier 1278. Il fait également de grands efforts de transmission de l'enseignement dans les provinces de Kai, Suruga et Izu, tout d’abord, puis d’autres provinces. Dans la province de Suruga, les moines du Shijûku-in et du Ryusen-ji se convertissent aux enseignements de Nichiren Daishonin.

Mais au fur et à mesure que le nombre des convertis, et parmi eux des fermiers, augmente, les pressions sur les disciples de Nichiren Daishonin s’accroissent. Les premiers à être persécutés sont de jeunes moines qui sont expulsés du Shijûku-in. Au temple Ryûsen-ji, à Atsuhara, le principal adjoint, Gyôchi, menace les moines convertis par Nikkô et harcele également les laïcs rattachés au temple. Finalement, Gyôchi fait arrêter vingt fermiers croyants, le 21 septembre 1279. Trois d’entre eux sont décapités le 15 octobre. Cet incident est connu sous le nom de Persécution d’Atsuhara.

La déviation des cinq autres moines aînés

Nichiren Daishonin, sentant sa mort proche, désigne Nikkô Shonin comme successeur dans deux documents de passation, l’un écrit en septembre 1282 à Minobu, et l’autre le jour de sa mort le 13 octobre 1282, à Ikegami. Ce dernier document établit également que Nikkô Shonin devra être le supérieur du temple Kuon-ji de Minobu.

Après les funérailles de Nichiren Daishonin, Nikkô apporte ses cendres à Minobu et les place dans une tombe. Le centième jour suivant la mort, conformément à la tradition, il conduit un service à sa mémoire. A cette occasion, dix-huit moines (les six moines aînés et douze de leurs disciples) sont nommés pour prendre soin de la tombe sur la base d’un système de rotation, l’un des six moines âgés ou deux de ses disciples devant s’en charger pendant un mois. Les cinq moines aînés autres que Nikkô Shonin partent alors pour leurs régions respectives, mais aucun d’eux ne revient pour remplir sa tâche. Sous la pression des autorités, ils ont en fait commencé, peu à peu, à s’éloigner des enseignements de Nichiren Daishonin. Ils prient devant des représentations de Shakyamuni et se déclarent moines de l’école Tendai.

Nikô, l’un des six moines aînés, revient à Minobu vers 1285 et Nikkô le nomme alors chef instructeur des moines. Néanmoins, sous l’influence de Nikô, Hakiri Sanenaga fait sculpter un objet de culte sous la forme d'une statue du bouddha Shakyamuni, il se rend en pèlerinage à des temples Shinto, contribue à la construction d’un monument Nembutsu et fait même construire un temple Nembutsu.

La fondation du temple Taiseki-ji

Nikkô prévient ces moines à plusieurs reprises que de telles actions constituaient une opposition flagrante au bouddhisme de Nichiren Daishonin, mais en vain. Sentant qu’il ne pouvait plus protéger les enseignements de Nichiren Daishonin au mont Minobu, au printemps 1289, il décide de quitter Minobu.

Après avoir séjourné pour un temps chez son grand-père maternel à Kawai, dans la région de Fuji, il part vivre chez Nanjô Tokimitsu à l’invitation de ce dernier. II construit le petit temple Dai-bô à Oishigahara sur une parcelle de terre donnée par le seigneur Nanjô. Ses disciples établissent aussi des temples d’accueil autour de ce lieu, qui sera à l’origine du Taiseki-ji, temple principal de la Nichiren Shoshu.

Plus tard, il nomme six disciples principaux (Nichimoku, Nikke, Nisshû, Nichizen, Nissen et Nichijô) pour protéger l'enseignement de Nichiren. En 1298, il établit, non loin de là, le séminaire Omosu où il se consacre à la formation de six nouveaux disciples (Nichidai, Nitchô, Nichidô, Nichimyô, Nichigô et Nichijo), à qui il confie la tâche de propager les enseignements après sa mort. Dans ses derniers jours, il écrit Les vingt-six articles de prévention de Nikkô (Nikkô Yuikai Okimon), où il exhorte les moines et les croyants laïcs à maintenir la pureté des enseignements de Nichiren Daishonin.

Il transmet l’intégralité du bouddhisme de Nichiren au troisième grand patriarche, Nichimoku Shonin, avant de décéder, à l’age de quatre-vingt-huit ans.

Nichikan Shonin (1665-1726), le réformateur

Le mont Fuji derrière des cerisiers en fleurs. Par Hokusai. [DR]

Nichikan est né en 1665 à Tatebayashi (préfecture de Gunma, au nord de Tokyo). Issu d’une famille de samouraïs, il reçoit une éducation accomplie, et étudie la philosophie classique chinoise.

Il perd sa mère à l’âge de 9 ans. A 15 ans, il part pour Edo (actuelle ville de Tokyo), pour entrer au service du seigneur Sakai, dont dépendait sa famille. La mort prématurée de sa mère et les bouleversements de la société de l'époque lui donnent une conscience profonde de la nature ephémère du monde et contribuent à son assiduité dans les pratiques religieuses.

Nichikan décide alors de devenir moine. Manifestant un vif désir d’approfondir les enseignements bouddhiques, il réussit à vaincre les réticences de son seigneur et à se délier de son statut de samouraï, pour intégrer, en 1683, le temple Jozaï de l’école Fuji, à Edo.

Un jeune homme à l’esprit brillant

Il devient le disciple du futur 24e administrateur Nichiei Shonin et durant six ans, étudie sous sa direction les enseignements du Tendaï et de Nichiren Daishonin. En 1689, à l’âge de 25 ans, il intègre l’école d’Hosokusa Danrin, institut de formation des moines. Sa remarquable compréhension des enseignements et sa capacité à s’investir dans l’étude lui valurent d’être nommé responsable de cette école en 1708.

Nichikan Shonin se consacre alors à promouvoir l’étude du bouddhisme de Nichiren, donnant des cours sur le Gosho, publiant des exégèses sur les principaux traités et systématisant ses enseignements. Il clarifie les enseignements de différents courants des écoles Nichiren et relance des activités de transmission du bouddhisme.

Nichikan Shonin, administrateur

Nichikan Shonin est nommé 26e administrateur de l’école Fuji en 1718, à l’âge de 54 ans. Il travaille alors à former de nouveaux disciples et restaurer dans l’école une étude sérieuse des enseignements, préparant ainsi l’épanouissement futur du bouddhisme de Nichiren. Cette tâche l’absorbe tant, qu’en 1720 il choisit de réintégrer le centre d’études en tant que maître principal et se démet de sa charge d’administrateur au profit de Nichiyo Shonin (1670-1723). Il se consacre alors à plein temps à ses recherches sur l’enseignement de Shakyamuni et sur le Gosho de Nichiren Daishonin et rédige le Rokkan sho, traité en six volumes.

Quatre ans plus tard, suite à la mort de Nichiyo Shonin, Nichikan Shonin reprend sa fonction d’administrateur, avec la détermination de faire du temple principal le centre reconnu du bouddhisme du Mahayana définitif, Il est à l’origine de la construction de plusieurs bâtiments du temple Taiseki-ji, notamment le Joshodo et l’Ishinobo. Malgré le terrible immobilisme imposé par le système danka1 en matière de propagation, la grande conviction de Nichikan Shonin et la qualité de ses cours sur le Gosho encouragèrent les croyants laïcs à redoubler d'efforts dans leur pratique religieuse.

Les dernières années de Nichikan

Au début de l’année 1726, il revient à Edo, au temple Jozaï où jeune homme, il était entré dans la vie monastique. Il y donne une série de cours sur le Traité sur le véritable objet de vénération. Pressentant que ce serait là ses derniers cours, il y mit tant de lui-même que ses auditeurs en furent profondément émus. De retour au temple principal, en mai, ses forces déclinent considérablement. Aux disciples inquiets qui le priaient de se ménager, il répondit :

« Le Taiseki-ji est prospère maintenant. Les gens qui viennent réciter daimoku sont de plus en plus nombreux. Par conséquent les Trois Grands Ennemis vont inévitablement apparaître. Depuis le printemps dernier, je prie pour repousser les calamités. C’est pourquoi les bouddhas et les divinités m’ont répondu sous la forme du démon de la maladie. Puisque c’est certainement l’application du principe de “l’allègement des rétributions karmiques”, il est inutile de s’en affliger si peu que ce soit. »

Ayant toujours vécu de façon très modeste, épargnant dans tous les domaines, il put faire don d’une importante somme d’argent, dans le but de soutenir les activités des moines dans les régions pauvres et d’entretenir une fondation pour l’éducation des cadets.

Dans la nuit du 18 août, il demanda à ceux qui l’entouraient d’installer un gohonzon à proximité et il leur expliqua comment réciter daimoku pendant qu’il mourait. Puis il leur demanda aussi de préparer des nouilles de sarrasin, son plat favori. Il eut un sourire rayonnant et dit : « C’est magnifique ! Le Palais de la lumière paisible ! » Puis il joignit les mains en prière, face au gohonzon.

Il décéda paisiblement le 19 août 1726, dans les premières heures du matin, à l’âge de 62 ans. Les circonstances de sa mort constituent un exemple remarquable d’un état où “la vie et la mort sont également joyeuses”.

L'oeuvre de Nichikan

Son oeuvre majeure est le Rokkan sho, traité en six volumes dans lequel il y réfute les écoles erronées et redonne au bouddhisme des bases solides, conformes à l’esprit originel de Nichiren Daishonin.

  • Dans les tomes I et II du Rokkan sho, Nichikan Shonin met en lumière la supériorité de l’enseignement fondamental du 16e chapitre (« Durée de la vie ») sur les enseignements théoriques. En effet, il y ressort que le véritable enseignement à propager dans les Derniers jours de la Loi est les Trois grandes lois ésotériques : le Gohonzon (objet de culte), le Kaidan (grand sanctuaire) et le Daimoku (invocation de Nam-myoho-renge-kyo).
  • Le tome III est une explication du Sûtra du Lotus, selon le point de vue du bouddhisme des Trois grandes lois ésotériques.
  • Dans les tomes IV et V, il réfute certaines pratiques qui s’étaient peu à peu installées dans l’école. Les croyants doivent prendre pour objet de culte le Gohonzon et non les statues de Shakyamuni, et réciter les chapitres Hoben (« Moyens opportuns ») et Juryo (« Durée de la vie ») dans leur pratique, au lieu du sûtra tout entier. Sachant que la pratique fondamentale est la récitation de daimoku.
  • Le tome VI, plus spécialement destinés aux moines, détaille les aspects concrets concernant leur vie quotidienne, ainsi que les robes et chapelets.
Sous-jacent à tous ces ouvrages réside l’esprit de transmission de la Loi bouddhique et la conviction que kosen-rufu sera réalisé.

Enfin, Nichikan Shonin fut le premier à proposer une étude rigoureuse et précise du Gosho, fidèle à l’esprit de Nichiren Daishonin. La qualité de son oeuvre reste inégalée dans l’école Fuji.

Josei Toda a un jour déclaré à son propos : « Il n’existe personne qui ait lu le Gosho plus correctement, précisément et sincèrement que Nichikan Shonin. Dans ses écrits, nous trouvons de nombreuses affirmations où transparaît sa conviction et où sont indiquées les lignes directrices pour les disciples de l’avenir, jusqu’au temps de kosen-rufu »

En 1993, le mouvement Soka décida de remettre aux pratiquants des gohonzon reproduits à partir de celui inscrit par Nichikan Shonin.


Note

  • 1. Après un siècle de guerres civiles, le Japon connaît à partir de 1603 une paix durable sous le pouvoir centralisé du Shogunat des Tokugawa. En 1632, le pouvoir centralisé du Shogunat des Tokugawa décide d’asseoir son autorité dans chaque province à travers une réforme complète des structures religieuses et administratives : c’est le système danka. Chaque habitant du Japon était, de façon arbitraire, considéré comme un pratiquant bouddhiste rattaché au temple le plus proche. Les temples délivraient à chaque paroissien (danto) un certificat d’appartenance sans lequel il était impossible de travailler, voyager, ou simplement vivre en paix.
    Ce système eut pour première conséquence d’assurer aux moines des revenus réguliers sans beaucoup d'efforts. La seconde conséquence, plus grave, fut l’arrêt de toute dynamique de transmission des enseignements. Le gouvernement Tokugawa avait interdit tout débat religieux, sous le prétexte que « cela n’équivaut qu’à vanter son propre enseignement et à dénigrer celui des autres écoles », dénotant d'une conception pour le moins superficielle de la religion.
    Face à ce nouveau contexte, le bouddhisme sombre rapidement dans une pesante léthargie, les moines perdant tout esprit de recherche. Durant cette période, les écoles bouddhiques entrent en rivalité dans le but d’accroître leur influence auprès des autorités, avec l’espoir de pouvoir participer aux décisions gouvernementales.

 
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