Au cœur des difficultés, comment le bouddhisme nous permet-il de cultiver notre humanité ? Comment, dans une société troublée, peut-il nous aider à transformer notre époque ? Le fait de développer notre propre humanité sur la base des enseignements bouddhiques peut-il fonder, à large échelle, un nouvel humanisme ? Nous vous proposons d’aborder ces questions lors des réunions mensuelles d’étude du mois de décembre.


Extrait de La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 2

De l’état d’humanité à un humanisme cosmique
D. Ikeda. À strictement parler, l’état d’humanité est le premier pas vers la maîtrise de soi, qui culmine dans les états de bodhisattva et de bouddha. Citant un proverbe bouddhique connu, Nichiren Daishonin dit : « Ceux qui se consacrent aux Trois Trésors1 et respectent les Cinq Préceptes2 renaîtront dans l’état d’humanité » (GZ, 430) […]
Au sens large, se consacrer aux Trois Trésors veut dire pratiquer la foi. Les gens hautains dans l’état de colère [état d'asura] sont incapables de reconnaître la supériorité d’un autre. Ils sont incapables de s’incliner devant quiconque. Mais il en résulte que, au bout du compte, ils deviennent les esclaves de leur propre arrogance et sont captifs du mal. Au contraire, dans l’état d’humanité, les gens respectent humblement et très sincèrement ceux qui réussissent mieux et dont les capacités sont supérieures et, de ce fait, ils s’enrichissent eux-mêmes.

H. Suda. En sanscrit, « être humain » se dit manusya, terme signifiant « être pensant » ou « celui qui réfléchit ». De ce point de vue, je suppose que l’intellect est l'élément clé de l’état d’humanité. Nichiren Daishonin écrivit : « On peut qualifier un sage d’être humain, mais ceux qui ne réfléchissent pas ne valent pas plus que des animaux. » (Écrits, 859)
Dans cet état, les êtres possèdent une plus grande capacité à discerner correctement le bien et le mal que ceux qui vivent dans les Trois ou Quatre Mauvaises Voies.3

K. Saito. Tientai donne pour caractéristique de l’humanité : « La capacité à bien percevoir les causes en anticipant leurs effets futurs. » C’est-à-dire qu’être dans l’état d’humanité signifie comprendre, dans une certaine mesure, la loi de cause et d’effet. […]

D. Ikeda. […] Le bouddhisme éclaire le chemin de l’accomplissement pour soi et pour les autres, la façon de vivre digne de l’être humain. Lorsque nous avançons sur cette voie correcte, nous menons des vies stables, en nous améliorant et en nous développant, étape par étape. Concernant l’état d’humanité, nous lisons dans L’objet de vénération pour observer l’esprit : « La quiétude est [le monde] des êtres humains » (Écrits, 361)

H. Suda. […] L’expérience quotidienne nous montre à quel point il est difficile de se maintenir dans un état de calme et de tranquillité. Le moindre incident peut nous plonger dans un état d’abattement ou de rage.

D. Ikeda. C’est précisément le défi de mener une existence humaine. Et c’est d’autant plus difficile que nous vivons à l’époque de la Fin de la Loi, entourés d’influences négatives. C’est justement pourquoi, afin de vivre en tant qu’êtres humains, nous avons besoin de suivre une voie de progrès continuel. Cette voie n’est autre que notre pratique bouddhique. Lorsqu’une toupie arrête de tourner, elle tombe.
Elle n’est stable qu’en rotation à grande vitesse. Ce n’est pas de naître sous forme humaine qui fait un être humain. N’est-il pas vrai que nous ne devenons humains qu’en faisant des efforts tenaces, pour vivre en tant que tels ? […] Il devient de plus en plus difficile de mener une existence simple et humaine.
Dans la structure des dix états, l’état d’humanité est juste au milieu. Arrivé là, on peut soit s’élever aux états supérieurs, soit redescendre aux états inférieurs. On peut dire, par conséquent, que l’état d’humanité occupe une position centrale.
C’est pourquoi Nichiren Daishonin dit, à maintes reprises et sous diverses formes : « Puisque vous avez la rare bonne fortune d’être né dans l’état d’humanité, vous devriez vous efforcer de parvenir à un état de vie encore plus élevé. »
(La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 2, Acep, p. 130-134.)


Extrait de La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 3

Vers un humanisme cosmique
Tandis que […] différentes formes d’humanisme se succédaient, l’humanité, ainsi libérée de la servitude médiévale de l’Absolu, se trouva piégée par son propre égotisme, par ce que le bouddhisme appelle le « moi inférieur ». L’humanité s’est assujettie aux diktats du désir et de ses gratifications, en entraînant dans son sillage la complexité des problèmes qui assaillent le monde d’aujourd’hui, comme la détérioration des liens au sein de la société et des communautés, la dégradation de l’environnement, l’écart croissant entre les riches et les pauvres. L’émergence d’un grand nombre de courants fondamentalistes illustre les profondeurs d’une crise, qui entrave notre monde dit post-idéologique.
Où trouver alors la motivation capable d’insuffler l’énergie et l’inspiration qui nous sont nécessaires pour sortir de l’impasse actuelle ? Comment pouvons-nous œuvrer, avec joie et conviction, à la création d’une civilisation tournée vers la paix mondiale ?
Ici, j’aimerais recommander une nouvelle forme d’humanisme à caractère cosmologique, qui inclut l’être humain tout entier dans sa dimension universelle, en tant que moyen de transcender les limites existantes de l’humanisme et d’ouvrir la voie à suivre pour aller de l’avant. Car si l’idéologie tend à mettre en avant le dualisme et le conflit, et par conséquent à générer des attitudes discriminatoires et de rejet d’autrui, la tolérance est inhérente à une cosmologie qui cherche à inclure les autres.
L’humanisme fondé sur le Dharma, tel qu’il fut pratiqué par le roi Ashoka4 dans l’Inde ancienne, est un excellent exemple de ce type de cosmologie inclusive. On peut le résumer succinctement à partir des principes fondamentaux de son règne : ne pas tuer et se respecter mutuellement. Si le principe de ne pas tuer doit inclure non seulement les êtres humains mais aussi toutes les autres formes de vie, à l’heure actuelle j’aimerais affirmer qu’au moins, les êtres humains ne devraient en aucun cas tuer d’autres êtres humains. Selon moi, ce principe devrait figurer dans le préambule de la « Charte de l’humanité » au XXIe siècle.
Dans l’Histoire, trop de sang a coulé au nom de la justice. La Révolution française, par exemple, est un événement fondateur dans le développement de la tradition moderne de l’humanisme, mais combien d’innocents ont été guillotinés au nom de la « justice » ? De même, dans la longue expérience de l’humanisme socialiste, l’intention d’origine a été trahie et des dizaines de milliers de vies ont été sacrifiées.
C’est encore là l’une des vérités historiques irréfutables de notre siècle. De telles souffrances ne doivent plus jamais se reproduire.
Ainsi, la première disposition d’un nouvel humanisme doit être une injonction absolue à ne pas ôter la vie à un être humain. Quelles que soient sa logique ou sa raison d’être, la justice, accompagnée de violence et d’assassinats, est vide et fausse.
Quelle est donc la faiblesse sous-jacente aux différentes sortes d’humanisme qui ont prévalu jusqu’à maintenant ? En termes simples, il s’agit de la méfiance envers autrui. La méfiance envers l’être humain, quand elle est dirigée contre soi, provoque un sentiment d’impuissance. Lorsqu’elle est dirigée vers les autres, elle prend la forme d’un rejet du dialogue et, en fin de compte, de la violence. La méfiance nourrit la méfiance. La haine nourrit la haine. Comment briser ce cycle mortel ? La réponse réside dans un « humanisme cosmique » – un humanisme fondé sur une vision du cosmos qui s’étend à l’infini, une vision du monde à travers laquelle l’individu ne fait qu’un avec l’univers dans son ensemble, qui s’élargit et se développe avec lui, et qui mérite par conséquent le plus profond respect.
(La Sagesse pour créer le bonheur et paix, vol. 3, Acep, p. 171-172.)


Extrait de La Nouvelle Révolution humaine, vol. 19

Saisir la réalité ultime de la vie
[Le 28 avril 1974, Shin’ichi fait un discours dans la région de Hokuriku] :
« Si les êtres humains ne saisissent pas la réalité ultime, ils seront dans la confusion dans tous les domaines. En revanche, saisir cette réalité permet d’éclairer tout le reste. C’est pour cela que Nichiren révéla et propagea la réalité ultime sous forme du Gohonzon destiné à tous les êtres vivants. Mais pourquoi est-il digne du plus grand respect ? […] Dans La transmission des sept enseignements sur le Gohonzon, dit-il, on peut lire : “Faites de votre vie l’objet de vénération fondamental.”5 J’ose donc dire ici, avec une conviction totale, que ce sont nos vies elles-mêmes qui sont dignes du plus grand respect. La transmission des sept enseignements sur le Gohonzon fait partie du Fuji shugaku yoshu [Les œuvres essentielles de l’école Fuji]. C’est un recueil de sept enseignements oraux sur le Gohonzon transmis par Nichiren à son disciple et successeur, Nikko Shonin. »
Shin’ichi poursuivit avec encore plus de vigueur : « En d’autres termes, le bouddhisme de Nichiren enseigne que la vie est la base de toutes choses. Selon cette philosophie, rien n’est plus fondamental que la vie, qui mérite de ce fait le plus grand respect et la plus grande vénération. » Son message était clair et convaincant.
Quelque cinq cents invités, issus des milieux les plus divers de la société, étaient également présents, et ils furent intrigués par cette affirmation de Shin’ichi : la vie elle-même est l’objet de vénération fondamental. La philosophie véhiculée par ces paroles était tout à fait nouvelle pour eux.
Shin’ichi cita alors un autre passage sur le Gohonzon : “Les cinq éléments du monde du Dharma sont les cinq éléments composant notre corps, et les cinq éléments composant notre corps sont les cinq éléments du monde du Dharma. Le monde du Dharma est Nichiren et Nichiren est le monde du Dharma.” En d’autres termes, expliqua-t-il, nos corps sont composés des mêmes éléments que l’univers – terre, eau, feu, air et espace. Nichiren déclare que les éléments composant le Dharma dans tout l’univers ne sont pas différents des éléments qui composent sa propre vie […] » Shin’ichi expliqua donc clairement que ce qui est digne du plus grand respect dans le bouddhisme de Nichiren n’est pas un symbole mystérieux ou magique ; c’est notre vie elle-même.
« Comme le dit Nichiren : “Ne recherchez jamais ce Gohonzon en dehors de vous-même. Le Gohonzon n’existe que dans notre chair à nous, êtres ordinaires qui adoptons le Sûtra du Lotus et récitons Nam-myoho-renge-kyo.” (La composition du Gohonzon, Écrits, 840)
Le Bouddha ne se trouve pas dans un lieu très éloigné, distinct de notre vie. Et les êtres humains ne sont pas les serviteurs de dieux ou de divinités. Nos vies sont intrinsèquement dotées de l’état de bouddha, d’une noblesse suprême ; ce sont des entités de Nam-myoho-renge-kyo.
Il s’ensuit donc que nos vies elles-mêmes sont dignes du plus grand respect. Et le Gohonzon, le mandala inscrit par Nichiren, est le clair miroir qui reflète et fait jaillir de nous-mêmes notre Nam-myoho-renge-kyo intérieur. »
Le grand poète indien Rabindranath Tagore a écrit : « Les êtres humains ne peuvent s’appuyer sur leurs propres forces que s’ils ont conscience que la Loi universelle est inhérente à leur vie. » Le bouddhisme de Nichiren, qui considère la vie comme digne du plus grand respect, est l’enseignement ultime affirmant le caractère sacré de la vie. C’est pour cela qu’il est la source d’un nouvel humanisme.
(La Nouvelle Révolution humaine, vol. 19, chap. « La Tour aux trésors », Acep, p. 248-250.)


Ce support est à retrouver dans le numéro de Valeurs humaines du mois de novembre 2023.

Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. Abonnement / Achat au numéro


Notes

  • 1. Les trois piliers du bouddhisme : le Bouddha, la Loi (les enseignements du Bouddha) et la Communauté bouddhiste.
  • 2. Cinq préceptes fondamentaux destinés aux laïcs : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de rapports sexuels illicites, ne pas mentir et ne pas consommer de boissons enivrantes.
  • 3. Trois mauvaises voies : ou trois mauvaises voies de l’existence. Cela correspond aux états d’enfer, d’avidité et d’animalité, les trois états de vie les plus bas. Avec le quatrième état, l’état d’asura, elles forment les quatre mauvaises voies.
  • 4. Roi Ashoka(règne : 268-232 avant notre ère) : troisième souvera de la dynastie indienne des Maurya, il unifia l’Inde. Il régna d’abord en tyran mais, par la suite, se convertit au bouddhisme et gouverna avec compassion, en accord avec les idéaux du bouddhisme. Il devin e grand protecteur du bouddhisme et contribua à sa propagation
  • 5. Gohonzon shichika no sojo (La transmission des sept enseignements sur le Gohonzon) dans Fuji shugaku yoshu (Les œuvres essentielles de l’école Fuji), édité par Nichiko Hori, Tokyo, Soka Gakkai, 1974, vol. 1, p. 32
 
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