Stéphane Hessel (1917-2013), en 2011. [© Rama / Wikimedia-CC]

Véritable épopée traversant le XXe siècle, la vie de Stéphane Hessel (20 octobre 1917 - 26 février 2013) est aussi un engagement sans faille qui l’a conduit de la Résistance au soutien des sans-papiers, des arcanes de la diplomatie onusienne à Indignez-vous !.

Quand, à la fin de sa vie, Stéphane Hessel s’interroge sur son attirance vers tout ce qu’il trouve intéressant, il confie: « C’est ma mère qui m’a appris cet engagement sans retenue, dès lors que le désir vous y invite. » Et d’ajouter : « Dans toutes les associations où j’ai milité, j’ai essayé d’être celui qui n’accentue pas les oppositions, mais encourage les convergences. »1

Cosmopolite, Franco-Allemand, puis Européen

Au temps de la bohême et des Années folles, les parents de Stéphane Hessel se rencontrent à Paris. Franz Hessel et Helen Grund appartiennent au milieu intellectuel cosmopolite qui foisonne alors à Paris, où s’épanouit l’avant-garde culturelle. Leur second fils, Stéphane, naît en 1917, à Berlin où est rentré le couple durant la guerre. Le couple divorce et les deux fils suivent leur mère à Paris, où elle vient s’installer auprès de son amant. Sans parler un mot de français à son arrivée, Stéphane poursuit de brillantes études. Après dix ans d’attente, il obtient la nationalité française, en 1937. Cette même année, il entre à l’Eco1e normale supérieure. Deux ans plus tard, il se marie, avant d’être mobilisé.

Parqué dans un camp à l’issue de la Drôle de guerre, il s’évade dès qu’il apprend le refus de capituler de De Gaulle. Dès lors, il ne pense qu’à rejoindre Londres, ce qu’il entreprend neuf mois après la défaite de juin 1940. Ily rencontre notamment Pierre Mendès-France et René Cassin, et, tout au long de la guerre, n’a pour de Gaulle que respect et admiration.

Envoyé en mission en France, en 1944, il tombe dans un guet-apens, à Paris. Torturé, il est finalement déporté en Allemagne, deux semaines avant la libération de la capitale.

Au camp de Buchenwald, il n’a qu’une idée entête: s’évader. Il échappe à la pendai- son en échangeant in extremis son identité avec celle d’un certain Boitel, mort dans le bloc des malades du typhus. Envoyé à Rottleberode, il échappe de nouveau à la pendaison, s’évade du camp, se fait reprendre, puis s’évade encore lors de l’évacuation des prisonniers de Dora vers Bergen-Belsen, en avril 1945. Après avoir rejoint les lignes américaines, il arrive à Paris le 8 mai 1945.

Le Conseil national de la Résistance (CNR), initié par de Gaulle et Jean Moulin pendant la guerre, devient un point d’ancrage essentiel des convictions de Hessel à cette époque. Ily fera référence toute sa vie, au cours de ses multiples combats. Les valeurs et le programme du CNR ont forgé le socle des conquêtes sociales de notre démocratie moderne.

Mondiatiste, multitatéraliste et humaniste

À l’issue de la guerre, Stéphane Hessel choisit la voie de la diplomatie. Il intègre l’ONU qui tente d’organiser une paix durable dans le monde, au moyen de textes et de la mise en place d’organisations intergouvernementales qui seront en charge des grands problèmes internationaux. Ainsi naissent l’Unesco, l’OIT, l’OMS, la FAO...

Il rejoint la commission de douze membres — parmi eux, René Cassin — chargée de l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le texte, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948, à Paris, énonce les droits fondamentaux de l’individu, leur reconnaissance et leur respect par la loi. Il reconnaît la nécessité du respect inaliénable de droits fondamentaux de l’homme par tous les pays, nations et régimes politiques. René Cassin recevra en 1968 le prix Nobel de la paix pour sa contribution majeure à l’élaboration de la Déclaration de 1948.

Au cours du demi-siècle suivant, la carrière diplomatique de Stéphane Hessel se poursuit au Quai d’Orsay, à Saigon, à Alger, au PNUD2, ou à Genève au sein de la Commission des droits de l’homme. Dans un contexte géopolitique de revendications indépendantistes, de calculs impérialistes et d’affirmation de mouvements tiers-mondistes, les missions de cet infatigable militant ont pour fil rouge la coopération, le développement, et le rapprochement Nord-Sud. Elles doivent apporter des réponses aux problèmes liés à des conflits ou à des catastrophes naturelles.

Quand il revient sur les dernières décennies, Stéphane Hessel souligne toujours les avancées : « Le fait que la notion des droits de l’homme soit devenue une notion internationale est une innovation importante. (...) Il y a quantitativement de plus en plus de terrorisme et de guerres civiles, mais, qualitativement, ce qui germe est un sentiment de responsabilité citoyenne mondiale. »3

Ses convictions et son enthousiasme, obstinés et confiants, l’ont conduit, ces dernières années, à agir avec opiniâtreté en France. L’implication de Stéphane Hessel paraît décupler face aux défis que représente le soutien aux sans-droits, toujours plus nombreux : les sans-papiers, les sans-logis, les Roms... les Palestiniens, la démocratie en Birmanie... « Il faut réagir, au nom justement de l’expérience du XXe siècle, qui montre que, contre l’horreur, des dissidents se sont sans cesse levés. (...) La dissidence est la force morale et spirituelle qui va permettre d’empêcher que le monde ne tombe dans les pièges tendus par les grands périls, ceux d’hier comme les nouveaux qui nous menacent. »4


A lire dans le numéro de Valeurs humaines n°4, février 2011, p.22-23.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. Abonnement / Achat au numéro

Stéphane Hessel, Indignez-vous ! Indigène éditions, 32 pages, 3 €.

Indignez-vous !

Dans ce manifeste de 32 pages, Stephane Hessel fait le pari de convaincre son lecteur de trouver un motif d’indignation et de résistance dans le monde d’aujourd’hui. Pour éta!Jer sa thèse, il revient sur les grands événements qui ont fait le XXe siècle et notamment ceux dont il a été acteur. Deux grands défis sont identifiés:
• la lutte contre l’accroissement de l’écart entre riches et pauvres;
• les Droits de l’homme et l’état de la planète.
Porté par l’audace de l’espoir, Stéphane Hessel nous tend un manifeste rafraîchissant où « tout ce qui est souhaitable est possible ». Reste à lui emboîter le pas et à sceller notre pierre à l’édifice de la résistance et de l'« insurrection pacifique » !

Notes

  • 1. Citoyen sons frontières, entretiens avec Jean-Michel Helvig, 2008, Fayard.
  • 2. PNUD: Programme des Nations unies pour le développement.
  • 3. Citoyen sons frontières, entretiens avec Jean-Michel Helvig, 2008, Fayard.
  • 4. Ibid.
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